2. "Regrets collect like old friends."

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Calum s'installa à mes côtés. Il ne m'adressa pas un seul regard et commença à manger silencieusement. Il avait les traits allongés par la fatigue. Quelques heures plus tôt, je l'avais vu boire pas moins de trois cafés, mais les effets devaient avoir disparu au fil de sa matinée. Il ne m'avait pas adressé un mot depuis la veille, rongé sans doute par les peurs qui le torturaient depuis trop longtemps... J'ai quand même tenu à lui montrer que malgré la froideur habituelle de mon comportement, j'étais là pour lui. J'ai laissé ma main tombée sur sa cuisse, et l'ai caressé délicatement. Il n'y avait rien de sensuel dans ce geste, c'était simplement une manière absurde de lui apporter du réconfort. 

Il trésaillit à mon contact, mais me laissa continuer. Bien que nous soyons totalement différents, nous étions liés d'une certaine manière qui m'empêchait de le laisser sombrer sans même tenter de le sauver. Ces derniers temps, ses sentiments s'amusaient à faire des montagnes russes sans ménagement. Je pouvais le voir souriant et taquin, naïf et optimiste, pour le voir s'effondrer quelques heures plus tard dans une folie désespérante. J'avais connu ça, à une époque, et je ne pouvais que comprendre.

Quand notre monde s'écroule petit à petit autour de nous et que nous comprenons que tout ce en quoi nous croyons n'étaient que mensonges et absurdités, c'est dur de continuer à vivre. On essaye tant bien que mal de nier la réalité et de  faire semblant d'être heureux, comme on croit que tout le monde fait. Puis, parfois, on accepte la vérité et on n'a plus la force de croire en un monde aussi terrible que celui dans lequel nous vivons. Ces choix s'affinent avec le temps, et prennent le dessus sur nos maigres vies.. Calum venait à peine de subir son traumatisme, et ne savait pas encore quel chemin choisir. Il érrait entre le demi-bonheur et le déchirement, sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait.

Je crois que c'est le pire, quand on chute face à la fatalité terrible de la vie ; ne pas savoir. On ne comprend pas pourquoi, on ne comprend pas comment... On aimerait savoir, et puis on se reprend. N'est-on pas mal seulement parce qu'on sait ? J'imaginais que Calum devait se poser tout un tas de questions, dont l'abscence de réponse le torturait, et je me sentais coupable de ne pas savoir l'aider. Non pas que je n'en ai pas le pouvoir, simplement, certaines épreuves de la vie doivent s'affronter seul. 

J'avais choisis de survivre en acceptant la réalité. J'avais choisis de vivre dans un monde sans espoir, en acceptant de ne jamais pouvoir être sauvé. J'avais choisi les ténèbres, la noirceur, parce que ça me semblait plus beau que n'importe quel mensonge dans lequel les hommes aiment se réfugier. Mais je ne peux que faire le constat de ma vie déplorable, et je n'aurais été que trop sotte de pousser Calum à me suivre dans un gouffre dont on ne revient pas. Il devait faire son choix, et peut-être, qu'il aurait une troisième possibilité à me montrer. 

Peut-être, oui, comme je l'espèrais, on pouvait se reconstruire et vivre heureux même dans la vérité. Peut-être qu'on pouvait s'en sortir, non pas indemne, mais au moins sans passer sa vie à souffrir. Il pouvait y arriver. Oui, il devait le faire. Ce n'est pas parce que j'ai échouée en ne voyant que deux manières de poursuivre, que c'est sa destiné. 

J'avais besoin de croire que Calum, que j'affectionnais, pouvait aspirer à mieux que moi. Il était un chic type, après tout, n'ayant jamais rien fait de mal. Moi j'étais un monstre, mais pour lui, il y avait de l'espoir. Et je m'étais promis, ce jour là où je l'ai rencontré, de tout faire pour lui offrir ce que je ne pourrais avoir. 

Je lui avais promis de lui apprendre à savoir surmonter la haine et les jugements. Mais j'espèrais au plus profond de moi-même qu'en lui donnant une partie de mon âme, il ne serait pas contaminé par le mal qui sommeil en moi. 

- C'était si terrible que ça ? finis-je par demander.

- Non... Je n'ai parlé à personne Romane. 

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