10. " There are maybe lovers who hold their hands."

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- Service administratif de l'université de lettres de Bordeaux bonjour, que puis-je faire pour vous ?

- Est-ce que monsieur Crowels est mort ?

        Je m'étais torturée toute la nuit avec cette histoire... Des tas de scénarios avaient défilé dans mon esprit, et dans tous, j'étais coupable. J'avais besoin de savoir. Si Calum avait raison, et que mon ancien professeur s'était bel et bien suicidé, je devais le savoir. J'avais attendue désespérement que le bureau soit ouvert avant de me jeter précipitament sur le téléphone. J'avais séché un ou deux cours pour être sûre de pouvoir passer ce coup de file, qui me semblai vital alors.

- Je vous demande pardon, m'avait répondu la dame à l'autre bout du pays.

- Est-ce que monsieur Crowels est mort ?

        Je sentais au fond de mon être quelque chose se serrer si fort que ça me faisait mal. Je ne comprenais pas vraiment la raison de cette douleur, mais elle me déchirait de part en part. Si il était mort, c'était ma faute. Je me souviens parfaitement des mots que je lui ai prononcé avant de quitter sa salle du haut de mes talons, résonnant dans tout l'amphithéâtre comme des coup assené à son pauvre corps. Je lui avais dis, sans même un soupçon d'hésitation dans ma voix, qu'il n'était qu'aussi insignifiant que la haine qu'il portait à sa femme et à son amant, et que si il ne se sentait plus capable de vivre pour lui même, il ne pouvait décemment choisir de détruire consciemment la vie des autres.

        Si il s'était suicidé, c'était ma faute. Et je crois sincèrement que je n'en aurais pas supporté l'idée. J'avais beau avoir un coeur de pierre, et une capacité absurde à faire semblant de ne rien ressentir, être coupable d'un suicide, m'aurait facilement tué.

        Quand j'étais au collège, j'étais en proie aux moqueries de mes paires sur toutes une palette de sujets si étendue, que je n'en voyais plus la finalité. J'avais réussis à m'en sortir. J'avais réussis à survivre, d'une manière certes pitoyable, mais à survivre quand même. J'étais devenue à mes yeux, un ange noir. Je passais la haine qui me dévorait sur des gens de la même espèce que ceux qui m'avait détruis. J'étais aussi horrible qu'eux, à défaut que je m'en prenais pas aux faibles. Ou du moins, pas aux innocents. Je prenais soin de ne détruire que les gens qui pensaient pouvoir détruire la vie des gens qui n'avaient rien demandé. En quelque sorte, j'étais la méchante des méchants. Mais ça ne me rendant pas gentille pour autant.

        Et pourtant, Mr.Crowels avait mérité plus que quiconque la haine que j'avais déversé à son encontre. Et jusqu'alors, il ne m'était jamais venu à l'esprit que j'avais commis une erreur ce jour là, en lui disant tout ce que je pensais... Mais le savoir mort... S'aurait été trop. J'avais besoin de savoir. J'avais besoin de savoir si j'avais tué un homme en voulant protéger Calum, ou si tout ceci n'était qu'une absurdité.

- Est-ce que monsieur Crowels est mort ? ai-je crié face au silence abasourdissant de mon interlocutrice.

        Pourquoi ne me répondait-elle pas ? Qu'est-ce qui l'empêchait de prononcer les mots qui allaient soi me mener à ma perte, soi me libérer. Je voyais chaque seconde qui passait comme une éternité de supplice sans nom. D'une manière qui m'échappe encore, je méritais cette longue atroce intense, ne serait-ce que pour avoir prononcer chacun des mots que j'avais sortis quelques semaines auparavant.

        Je n'avais jamais douté de l'honnêteté... Je savais que la vérité n'était toujours pas bonne à entendre, mais que ce n'était pas une raison pour préférer le mensonge à cette dernière. Je savais qu'en choisissant toujours l'honnêteté au reste, je perdais ma chance d'avoir une vie normale, des amis, une simplicité... Mais c'était un choix que je n'avais alors jamais remis en cause.

Who you are. [5sos]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant