Quand la voiture se gara devant la demeure du comte et de la comtesse de Vaire, il était près de midi. Narcisse sortit le premier du fiacre et, lorsqu'Olivia se redressa pour en faire de même, elle fut surprise de trouver son époux à côté du monte-marches, la main tendue vers elle afin de l'aider à descendre. Un geste galant dont, habituellement, il se passait. Sans doute était-ce pour ne pas ternir son image auprès de ses parents qui, probablement alertés par leur majordome, s'avançaient déjà sur les escaliers du perron.
Éléonore de Vaire accueillit sa belle-fille avec effusion, elle semblait ravie de l'avoir à dîner. Puis ce fut au tour de son beau-père de lui souhaiter la bienvenue.
Étrangement, si le comte, Gontran de son prénom, était visiblement enchanté de revoir Narcisse, la comtesse, elle, resta distante avec son fils. Pour ne pas dire froide. Après l'avoir à peine salué, elle lui fit tout d'abord remarquer que l'une de ses chaussures était sale. En réalité, il y avait seulement une légère trace de poussière ocre sur l'extrémité du cuir. Olivia en conclut que la mère de son mari était vraisemblablement intransigeante concernant la propreté, et que cette simple souillure l'avait contrariée.
Ensuite, les deux femmes échangèrent nombre de politesses d'usage. Olivia se prit à détailler Éléonore, cherchant en elle les traits de Narcisse. Elle ne les trouva pas. Sa mère n'était pas très grande et de corpulence moyenne. Ses cheveux, relevés en une coiffure alambiquée, d'un blond strié de mèches blanches, encadraient une figure à la beauté froide en forme de cœur. Elle arborait également un nez prononcé, légèrement en trompette, et des lèvres minces un peu pincées. Les rides qui lui barraient le front témoignaient de sa nature soucieuse.
Le comte, au contraire, était très grand et tout aussi svelte. Son visage aux lignes harmonieuses avait dû – et devait encore – faire chavirer bien des cœurs. Ses cheveux et ses favoris poivre et sel avaient sans doute été très sombres dans le passé, et il portait une fine moustache aux pointes recourbées. Il possédait les mêmes yeux indigo que son fils.
Narcisse tenait sa beauté singulière de son père.
Se désintéressant un instant de ses hôtes, l'invitée embrassa ensuite les lieux du regard. Devant elle se dressait une imposante bâtisse de pierre qui s'élevait sur trois étages. Un long chemin bordé de peupliers les avait menés à la demeure, laquelle était entourée d'un immense parc. Le tout transpirait la grandeur et la richesse.
Le domaine s'accordait parfaitement à la situation financière des époux. Gontran, à l'instar de feu son père, avait fait fortune dans l'immobilier.
Avant que ce beau monde eût le temps de se diriger vers l'entrée, deux autres fiacres remontèrent l'allée, tous deux tirés par d'imposants chevaux alezans. Alors que les regards du couple de Vaire et l'attention de Narcisse étaient retenus par la progression des voitures, Olivia baissa la tête pour jeter un coup d'œil discret à la robe qu'elle portait.
Quand elle s'était rendue dans sa chambre, juste après l'altercation entre Xavier et son mari, elle y avait découvert, délicatement posée sur le lit, une somptueuse toilette. Le message de son époux était clair : il voulait la voir à son avantage devant ses parents. Elle avait donc pris le temps de se baigner, de se coiffer soigneusement et de se parfumer, avant d'enfiler son présent. La robe, en foulard à pois, composée de taffetas assorti et agrémentée de dentelle blanche, arborait une ravissante teinte bleu pâle. Le dos de la tunique-princesse était particulièrement élégant ; sur la draperie, deux bandes de taffetas dessinaient un V partant des épaules pour se rejoindre en pointe sur le pouf, et le derrière de la jupe formait plusieurs pans à étages, rassemblés sur le côté, lesquels se trouvaient bordés de dentelles blanches. La jeune femme avait accompagné sa tenue d'un chapeau de paille agrémenté de fleurs et d'une ombrelle de soie.
VOUS LISEZ
NARCISSE
Historical FictionOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...