Après l'avoir laissé profiter de toute une journée de liberté au pré, Olivia était en train de caresser Layl dans son box quand elle entendit quelqu'un s'approcher des écuries. À cette heure, ce ne pouvait être que Narcisse. Elle s'abaissa afin qu'il ne la vît pas, tout en se sentant un peu ridicule d'agir de la sorte. Mais aux grands maux, les grands remèdes, et elle devait suivre son mari en toute discrétion ! Elle avait conscience que ce ne serait pas simple étant donné qu'il faisait nuit et que, dans le calme du crépuscule, les sons se trouvaient décuplés. Heureusement, Layl n'était pas ferré ; son agressivité lui avait valu de se passer provisoirement de ce bruyant accessoire. Olivia comptait donc un peu sur cet atout pour ne pas être entendue.
Mais elle avait décidé que, dans le cas où son mari la surprendrait, elle se contenterait de lui dire la vérité, qu'elle ne supportait plus ses absences et ses fuites, et qu'elle avait besoin de savoir où il disparaissait. Qui pourrait l'en blâmer ? Elle agissait seulement en femme bafouée.
Quand elle perçut les pas qui résonnaient sur le sol dallé de l'écurie, qu'elle vit le mince rai de lumière d'une chandelle filtrer sous la porte de la stalle, elle s'efforça d'être la plus silencieuse possible. Elle retint son souffle et resta tapie près de Layl, à qui elle avait passé son filet pour le ramener du pré.
Il s'écoula de longues minutes pendant lesquelles Olivia n'entendit plus rien. Elle se demanda un instant ce que faisait son époux, puisqu'Onyx avait déjà été harnaché et sellé par Louis. La jeune femme se concentra, étouffant au mieux sa respiration pour qu'elle ne parasitât pas les bruits alentour. Elle finit par capter un léger murmure et, si elle ne comprit pas les paroles chuchotées d'une voix trop basse, elle en déduisit néanmoins que son mari s'adressait à son cheval. Cette simple constatation la fit sourire, en dépit de la colère qu'elle nourrissait vis-à-vis de Narcisse. Sous son apparence glaciale, son époux était en réalité un homme sensible. Elle aimait tant voir son vrai visage derrière le masque ; malheureusement, rares étaient les occasions où il le laissait tomber. Pour avoir droit à ce privilège, il lui fallait l'observer à la dérobée ou l'écouter parler à son frison, dissimulée dans l'ombre d'un box. C'était dire...
Au bout d'un moment, la lueur de la chandelle mourut subitement. Olivia entendit la porte de la stalle s'ouvrir, puis les sabots d'Onyx claquer sur les dalles de l'écurie. L'heure était venue.
Elle se releva, tira lentement son propre loquet, poussa le battant et s'approcha de Layl. Olivia avait conscience de prendre d'énormes risques en s'en remettant à un cheval qui venait à peine de lui offrir sa confiance, mais elle n'avait de toute façon pas le temps d'harnacher Kouros. Ainsi fut-elle soulagée de parvenir à se hisser sur le dos de l'étalon sans que celui-ci s'effrayât de son geste. Elle avait en effet craint que son entreprise ne causât l'affolement de sa monture, puisqu'elle s'autorisait cette initiative pour la toute première fois.
La cavalière frôla les côtes du pur-sang pour l'inviter à se mettre au pas. Ce qu'il fit aussitôt.
À peine sorti de l'écurie, Layl s'élança de lui-même au galop.
La lune à demi pleine éclairait faiblement le paysage, juste assez pour distinguer quelques formes. Cela ne sembla pas perturber l'étalon qui filait droit devant lui.
Au loin, Olivia apercevait l'ombre fuyante de Narcisse et de sa monture, lancée elle aussi au galop au milieu du chemin menant à leur demeure. Ils allaient bientôt s'engager sur la route et s'éloigner du manoir.
Layl n'était pas très grand, cependant Olivia fut surprise de sa rapidité. Très vite, la distance entre le pur-sang et Onyx, dont l'allure était moins vive du fait de sa stature plus massive, se réduisit, et la jeune femme dut même tirer sur ses rênes pour ralentir l'étalon. Il aurait été regrettable de se faire démasquer dès maintenant.
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NARCISSE
Narrativa StoricaOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...