Chapitre 21(version éditée)

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Narcisse gardait obstinément le visage tourné vers la fenêtre, faisant tout son possible pour ne pas croiser le regard d'Olivia. Un silence pesant régnait dans l'habitacle, seulement perturbé par le bruit des fers sur la route.

La jeune femme, attristée par la douleur manifeste de son mari, avait choisi de rester à distance et de lui laisser tout l'espace dont il avait cruellement besoin.

Quand la voiture se gara devant le manoir, le maître des lieux se hâta d'en sortir sans un geste galant à l'encontre de son épouse. Il monta les marches du perron au pas de course et disparut dans la demeure.

Xavier se précipita afin d'aider Olivia à descendre du fiacre. Il lui offrit sa main, qu'elle accepta par politesse, puis elle l'abandonna dans l'espoir d'aller retrouver son mari. En dépit de sa volonté de rester en retrait, l'empressement avec lequel Narcisse avait fui l'inquiétait.

Elle se rendit jusqu'à ses appartements où elle savait qu'il irait trouver refuge. Le ventre noué par l'angoisse, Olivia ne prit pas la peine de frapper à sa porte et pénétra dans la pièce sans y avoir été invitée. Là, elle tomba nez à nez avec son époux qui, de toute évidence, s'apprêtait à ressortir.

Son pouls s'accéléra aussitôt. Elle refusait qu'il rejoignît sa maîtresse afin de chercher un quelconque réconfort auprès d'elle ou une distraction dans les plaisirs de la chair, alors que, de son côté, elle avait tâché de sauver les apparences devant leurs familles. Cette humiliation, elle ne méritait pas de la subir, tout comme elle ne méritait pas de se tourmenter en l'imaginant dans les bras d'une autre.

— Je vous interdis de quitter cette demeure, déclara-t-elle fermement.

— Hélas, ma chère, vous n'avez pas ce pouvoir, rétorqua Narcisse avec humeur.

— Je ne saurais souffrir ce nouveau déshonneur, Monsieur. Vous n'irez pas la voir, je refuse que vous vous rendiez auprès d'elle !

— Ainsi, vous êtes jalouse ? railla son époux, agacé.

— Vous m'avez choisie pour femme ! Nous sommes mariés, et vous me devez respect et fidélité !

— Je suis bien désolé de vous décevoir, Madame. Ma mère vous l'a dit, je suis un lâche et une vile créature. Je ne cesserai jamais de vous faire du mal.

Son ton dur et froid n'était destiné qu'à la blesser, Olivia en avait désormais parfaitement conscience, et il lui en faudrait davantage pour la décourager.

— Je me moque bien de ce que pense votre mère, tout comme je me moque de ce que pense votre frère et tout le reste de votre famille. Il n'y a que vous qui m'importiez. Je ne suis pas votre ennemie, Narcisse.

Une fureur dont Olivia ne saisit pas les fondements envahit son mari après qu'elle eut prononcé ces mots. Il s'empara de son poignet, en serra l'ossature délicate dans sa main puissante et tira son épouse vers lui. Ses yeux se fichèrent dans ceux de la jeune femme qui tressaillit violemment sous l'assaut, partagée entre la crainte et l'incompréhensible désir que de pareils emportements faisaient naître en elle.

— Vous êtes comme toutes les autres, n'ayez pas la prétention de croire que vous vous différenciez du reste de vos semblables. À l'instar de toutes celles qui ont un jour jeté leur dévolu sur moi, vous me voulez parce que vous ne m'avez pas ; cependant, quand vous aurez obtenu ce que vous convoitez, le charme se dissipera peu à peu et vous me verrez tel que je suis vraiment. Les femmes finissent toujours par se lasser, elles ne trouvent d'attrait que dans la nouveauté.

— Je ne suis pas une demoiselle parmi tant d'autres, je suis votre épouse. Et en tant que telle, je demeurerai à vos côtés jusqu'à la fin de notre vie !

NARCISSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant