Le jour se levait doucement, chassant la nuit avec paresse. Olivia, allongée sur son lit, observait le soleil qui montait lentement dans le ciel, admirant les magnifiques couleurs de l'aube.
Après son souper en solitaire de la veille, elle s'était isolée dans ses appartements où elle avait passé une grande partie de la soirée à ressasser les paroles de son mari et à s'interroger sur l'attitude qu'il lui fallait désormais adopter. Au réveil, elle n'avait toujours pas trouvé de solution convenable.
En revanche, la jeune femme avait acquis une certitude : elle devait respecter la distance exigée par Narcisse. Plus elle essaierait de s'imposer à lui, plus il la rejetterait.
Aujourd'hui, elle avait néanmoins décidé qu'elle ne gâcherait pas sa journée à se morfondre seule au manoir. Elle envisageait d'emprunter la voiture pour rendre visite à ses parents. Olivia désirait enfin voir l'étalon que son père avait fait venir du Proche-Orient et qu'il gardait jalousement à l'abri de son regard, car, selon lui, le cheval n'était pas encore prêt.
Ensuite, s'il n'était pas trop tard, elle visiterait Agathe.
Une fois levée, elle sonna Marianne afin que la servante lui montât un broc d'eau chaude pour procéder à une toilette rapide. Ne voulant pas perdre de temps à prendre un bain, elle choisit d'utiliser le tub et l'éponge, lesquels l'attendaient dans le cabinet isolé du reste de ses appartements par une fine cloison et une porte. Quand elle fut propre, Olivia renonça à rappeler la domestique pour qu'elle l'aidât à s'habiller. Elle enfila chemise, bas, pantalons et jupons, puis laça elle-même son corset, mit sa tournure, passa une toilette d'intérieur sans assistance, et enfin, se coiffa. Lorsque la jeune femme en eut terminé, elle demeura un moment dans sa chambre à observer le parc à travers la fenêtre, avant de se décider à descendre.
Dans la salle à manger, le déjeuner était déjà servi. Deux tasses de thé fumaient sur la table, aux côtés de grosses pommes rouges et de viennoiseries. Le journal reposait sur la nappe, attendant patiemment que Narcisse le lût.
Ainsi Monsieur daignerait-il souffrir sa présence dès le matin ? Si cela méritait d'être noté, Olivia ne s'en formalisa pas. Campée sur ses nouvelles positions – lui laisser de l'espace et garder ses distances –, elle s'installa et commença à manger.
Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit.
Aussitôt, le parfum d'ambre et de vanille se répandit dans l'air. Sa seule présence suffit à changer l'atmosphère de la pièce.
Si les yeux d'Olivia ne voyaient pas encore son mari, sa peau, elle, captait déjà sa proximité. Le fin duvet de ses bras se redressa, et un frisson malvenu ondula le long de sa colonne vertébrale pour se noyer dans le creux de ses reins.
Le pas de Narcisse résonna enfin sur le parquet, elle en déduisit qu'il s'était jusqu'alors figé pour l'observer. Quand il arriva à sa hauteur, il la salua en l'appelant « Madame », ce à quoi elle répondit simplement, « Monsieur ».
Narcisse s'installa en face d'elle et plongea son regard dans le sien. Olivia détourna les yeux, soudain mal à l'aise. La conversation de la veille lui avait laissé un vif souvenir.
— Je prends la voiture pour la journée, déclara-t-elle pourtant d'un ton sans appel après une minute de silence.
L'aplomb avec lequel elle avait lancé cette affirmation sonnait faux, même à ses propres oreilles. Elle avait conscience qu'elle ne devait pas s'adresser ainsi à Narcisse. Il était son époux, et au sein du mariage, seuls les hommes prenaient les décisions. Malheureusement, Olivia avait dès son plus jeune âge rencontré quelques problèmes de soumission à l'autorité, que son père avait entretenus en cédant toujours au moindre de ses caprices. Néanmoins, si Narcisse lui avait porté un tant soit peu d'intérêt, sans doute n'aurait-elle jamais eu l'audace, ni éprouvé le besoin d'agir de la sorte.
VOUS LISEZ
NARCISSE
Ficción históricaOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...