Olivia se réveilla avec le vague à l'âme. Les confessions de Narcisse, la veille, lui avaient laissé un goût amer dans la bouche ; celui des larmes non versées.
Passé le choc de ses aveux, elle avait fini par comprendre son mari et se trouvait fort désolée pour lui, ainsi que du terrible drame qui avait touché la comtesse. Elle imaginait le calvaire qu'avait vécu cette femme, tout comme elle concevait le tourment et la culpabilité ressentis par Narcisse. Il aurait fallu n'avoir aucun cœur pour n'être pas affecté par leur situation.
Cependant...
Si son époux ne voulait pas d'héritiers, c'était en revanche tout le contraire en ce qui concernait Olivia. Elle avait toujours espéré connaître les joies de la maternité et donner des petits-enfants à ses parents...
Malheureusement, Narcisse avait balayé cette idée en quelques phrases. Elle ne serait jamais mère, ne tiendrait jamais le fruit de ses entrailles dans ses bras. Aucun être de sa lignée ne verrait le jour, parce que son mari ne le désirait pas.
Cette pensée bouleversait encore la jeune femme lorsqu'elle eut fini de s'habiller et qu'elle descendit les escaliers pour aller prendre son déjeuner.
Elle s'installa à la grande table, où Gérald lui servit un café brûlant, et regarda d'un air absent les volutes blanches s'élever dans l'espace, tandis que des arabesques se formaient à la surface de la boisson.
La lourde porte d'entrée grinça avant de claquer, puis des pas résonnèrent dans le hall. Olivia avait entendu son mari quitter la maison, la veille au soir, après leur dispute, et de toute évidence, il venait seulement de rentrer. Elle eut soudain l'irrépressible envie de découvrir ce qu'il avait passé la nuit à créer.
Après avoir rapidement bu son café et grignoté une pomme, la jeune femme sortit. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouva sur le dos de Layl à se diriger à vive allure vers l'atelier de Narcisse.
Comme la dernière fois qu'elle était venue, elle attacha l'étalon noir à un arbre, se saisit de la clef dissimulée sous l'ardoise et s'engouffra dans la maisonnette en bois.
Deux nouveaux dessins se trouvaient devant elle, sur des chevalets. Le premier, sans surprise, représentait la comtesse de Vaire, perchée en amazone sur un cheval, armée d'un fusil de chasse. Son regard lointain était froid, déterminé. Quant à l'autre...
C'était à nouveau la femme ailée enfermée dans sa cage à oiseau. Elle tournait légèrement le visage vers son créateur, sans pour autant le lui dévoiler. Une longue mèche de cheveux masquait ses traits. Près de la petite porte de la volière, une main d'homme, plus grande que l'ange, tenait le loquet entre ses doigts. Pour l'ouvrir ou le fermer ? Seul Narcisse connaissait la réponse.
Au moment de ressortir, sur un troisième chevalet, la jeune femme avisa une autre toile. Elle s'approcha pour découvrir ce qui s'y trouvait.
Elle était vierge.
*
— Je suis si heureuse de vous savoir enfin fiancés, déclara Olivia en prenant le bras de son frère.
Après l'avoir accompagné afin de réaliser quelques emplettes pour constituer la corbeille d'Agathe, laquelle comprenait nombre de bijoux, broches, valenciennes, tissus précieux, châles en cachemire de l'Inde et autres présents, elle se promenait en compagnie de Valmond dans les jardins de sa nouvelle propriété. Son aîné l'avait acquise peu de temps avant de demander Agathe en mariage. Il s'agissait d'un superbe hôtel particulier en plein cœur de Paris, qui permettrait au ménage de jouir d'un peu de calme et de verdure tout en demeurant en ville.
VOUS LISEZ
NARCISSE
Ficción históricaOlivia, fille adorée du duc de Beauvoir, n'aurait jamais imaginé qu'en acceptant de s'unir au froid et taciturne Narcisse de Vaire, elle épouserait la solitude. Après leurs noces, les semaines s'écoulent, puis les mois, sans que Narcisse ne se décid...