Chapitre 18 (version éditée)

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Un mois s'était écoulé depuis le bal des Marchal, juin venait de débuter.

Pendant ces dernières semaines, Narcisse avait repris ses distances ; l'épisode du verre d'eau ayant probablement réussi à tempérer son enthousiasme. Néanmoins, s'il ne s'était plus montré entreprenant avec sa femme, il lui faisait tout de même entendre par de longs regards appuyés qu'il ne l'avait pas oubliée. Olivia se demandait parfois ce qu'il était en train de concocter, cependant, plus les jours passaient, plus sa vigilance se relâchait.

Narcisse disparaissait toujours aussi souvent et elle ne pouvait s'empêcher d'associer à ses absences des images inconvenantes de son mari en compagnie de Charlotte Laval. Toutefois, son excès d'orgueil la retenait de le questionner et elle se contentait donc d'envahir son esprit de scènes de retrouvailles brûlantes entre les deux amants.

Elle n'avait pas eu le loisir de revoir Paul, qui était probablement déjà reparti pour le Médoc, ni Dorian qui, depuis le bal, s'était montré particulièrement discret. Concernant Valmond et Agathe, elle savait de source sûre que son frère n'avait pas encore fait sa demande, mais les deux amoureux se rapprochaient davantage au fil des jours. Ce n'était plus qu'une question de temps. Olivia n'hésitait pas à profiter des moments qu'elle passait seule en compagnie de son aîné pour le sermonner sur son manque d'empressement. Ce à quoi Valmond avait fini par répondre : « Je veux qu'elle soit absolument certaine que je suis l'homme qu'elle désire à ses côtés pour le restant de sa vie ! ». Attendrie par cette belle déclaration d'amour, sa cadette n'avait rien ajouté.

En cette superbe journée ensoleillée, Olivia exécutait quelques brasses dans le déversoir du manoir. La jeune femme avait l'habitude de se baigner quand elle habitait la propriété de ses parents, où se trouvait un étang dans lequel son père lui avait appris à nager. Avec l'arrivée des beaux jours, ce désir s'était à nouveau manifesté. Elle avait donc décidé de prendre son premier bain de l'année dans cet endroit reculé de sa nouvelle demeure, qu'elle aimait particulièrement. Le point d'eau, alimenté par la rivière et bordé d'arbres, lui semblait un monde à part d'une rare intimité. Elle s'y sentait protégée, à l'abri des regards.

Marianne, assise sur un ponton en bois en compagnie de Nina, abritée sous l'ombrelle de sa maîtresse, profitait du traitement peu conventionnel dont elle jouissait tout en caressant pensivement la petite chienne.

Après plusieurs longueurs, Olivia eut besoin de reprendre son souffle. Elle versa sur le dos, bras et jambes écartés, se laissant porter par la force du liquide. L'eau était froide, mais elle ne s'en formalisait pas. Elle se délectait de cette sensation, du léger engourdissement qui saisissait ses membres lorsqu'elle restait trop longtemps immobile. La nage était une activité qui l'apaisait. Quand elle avait terminé sa baignade, Olivia ressentait toujours une incroyable impression d'allégresse et de bien-être.

— Madame ! s'écria soudain Marianne au loin.

Olivia rebascula à la verticale pour regarder en direction de la domestique. À côté d'elle, se tenaient Narcisse et Xavier. La nageuse demeurait à une trop grande distance de la rive pour pouvoir décrypter leur expression, mais s'ils étaient venus la déranger, c'est qu'ils avaient certainement une très bonne raison de le faire.

Olivia regagna le ponton aussi rapidement qu'elle le put. La longue chemise de nuit blanche dans laquelle elle se baignait entravant ses mouvements, elle songea qu'elle devrait se munir au plus vite d'une tenue de bain.

Arrivée près des deux hommes, elle continua de brasser sur place pour se maintenir en surface, inquiète de découvrir que Xavier arborait une vilaine blessure à la lisière des cheveux et que ses vêtements étaient sales. Quant à Narcisse, sa mise toujours impeccable se trouvait aujourd'hui en désordre.

NARCISSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant