L'Arcane : Absolution

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Le taxi s'arrêta et je retins Kieran qui se dirigeait déjà vers l'entrée du bar.

- Pas par ici, dis-je d'une voix basse, un sourire sur les lèvres.

- Je pensais qu'on allait au bar ? s'étonna-t-il.

- Tu penses vraiment que je ne garde pas les meilleurs alcools pour moi ?ris-je. On va passer par derrière pour monter dans mon appartement.

Il me fixa quelques secondes avant de me suivre dans la ruelle qui menait vers la porte du fond. Je le fis entrer dans mon bureau, et y déposai mes affaires, lui conseillant de faire de même. Je soupirai en voyant la pile de papiers sur lesquels je devais encore me pencher. En réalité, celle-ci n'était pas si grande, mais si je continuais de procrastiner, elle le deviendrait, alors j'anticipais déjà sa taille.

Il me suivit dans l'escalier, et je lui fis signe de s'installer sur le canapé.

- Quel est ton poison pour ce soir ? demandai-je.

- Mon poison ? répéta-t-il.

- Alcool, précisai-je. Je n'essaie pas de te tuer. Et je n'utiliserais pas de poison si c'était le cas. 

- Tant mieux, je suppose, acquiesça-t-il. Et que penses-tu d'un bon vin ? Si tu en as, évidemment.

- J'espérais que tu dises ça, fis-je en disparaissant chercher une bouteille de chardonnay.

Je posai la bouteille de champagne que nous avions volée à côté de tant d'autres. Quand je réapparus, il analysait quelques livres qui traînaient sur ma table basse. Je n'en avais plus ouvert un depuis un certain temps, trop occupée avec le bar et quelques autres missions pour prendre le temps de me poser et profiter de mon temps libre.

- Je ne te voyais pas comme une littéraire, déclara-t-il en désignant Orgueil & Préjugés de Jane Austen.

- Parce que je ne le suis pas, souris-je. Je suis juste en adoration devant Mr. Darcy, comme la moitié des femmes cultivées ayant lu ce livre ou regardé le film. Et je le lis totalement parce que j'ai vu le film. Et qui n'aimerait pas un homme qui comprend la notion de consentement et est prêt à laisser tomber sa quête si elle le voulait. 

- Très compréhensible, approuva-t-il, je l'ai regardé avec ma sœur. Elle m'a forcé à l'accompagner, et je ne l'avouerai jamais devant elle, mais je ne l'ai pas regretté.

- Je sais ? m'exclamai-je en me laissant tomber à ses côtés. Les scènes sont magnifiques, et de même pour les costumes, les acteurs, vraiment tout. Très bien filmé, réalisé, je l'adore. 

Je posai la bouteille de Chardonnay datant de 2006 sur la table, et commençai à faire de grands gestes pour expliquer à quel point j'aimais ce film et pourquoi. Il m'écouta avec attention et peut-être l'ombre d'un sourire, et nous avons fini par déboucher la bouteille. Après quelques verres et bouteilles de plus, je perdais déjà le fil de la conversation et mes souvenirs de la soirée s'arrêtaient là, autour des trois heures du matin, avec une personne que j'appréciais à peine.

Je ne pouvais même pas décrire ma panique quand je me réveillai à ses côtés sur le canapé sans avoir aucune idée de ce qui pouvait bien s'être passé. Une bouffée de chaleur me prit, et je sautai sur le sol en me passant la main dans les cheveux pour y remettre de l'ordre. Je lançai un regard vers les deux verres et les bouteilles qui traînaient sur ma table, et décidai vraisemblablement que ma priorité était de les déposer dans la cuisine, où je pouvais les laver.

Je retournai vers le salon, et eus la joie de voir que j'avais mis mon téléphone à charger dans un éclair de lucidité. Je répondis aux messages inquiets de Gaëtan qui me disait qu'il allait forcer la porte de mon appartement si je ne lui assurai pas que j'allais bien dans l'heure qui suivait. Sur le canapé, Kieran commençait à remuer, et il tenait apparemment moins bien le coup que moi, qui avais tout de même un peu l'habitude.