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- Tiens, faisait mon père en me donnant du liquide. Tu es une adulte maintenant. Tu devrais pouvoir te débrouiller.

Il levait vers moi ses yeux vides d'émotions, et je sentais les larmes monter. Je tentais de les ravaler, mais c'était plus dur que jamais.

- Tu rigoles ? espérai-je. Tu ne vas pas me jeter dehors comme ça, quand-même ?

Je baissai les yeux vers la somme assez conséquente qu'il venait de me donner. Tout de même pas assez pour vivre, mais il ne m'avait jamais donné autant d'un seul coup.

- Tu as deux heures pour prendre tes affaires, répondit-il. Je ne veux plus te voir après ça.

La colère monta d'un seul coup. De quel droit mettait-il sa propre fille à la porte ? Je n'avais rien, juste un pauvre diplôme qui ne me mènerait nul part, quelques billets qu'il m'avait donné dans sa grande grâce, et une grande solitude. Je le regardai une nouvelle fois dans les yeux, essayant de trouver ne serait-ce qu'une note d'affection, de compassion ou seulement de regret. Mais il n'y avait rien. Je n'y voyais que le vide.

Je jetai un regard à ma belle-mère qui baissait les yeux vers ses mains. Je n'avais jamais eu la meilleure des relations avec elle, mais je voyais qu'elle n'était pas confortable avec la décision de son mari, et la connaissant, je savais qu'elle avait tout de même tenté de l'en dissuader.

Je me retournai vers lui, et lui adressa les derniers mots que je ne lui dirai jamais :

- Ne t'inquiète pas, vous ne me reverrez jamais. J'espère que tu crèveras comme un rat.

Je vis la colère déformer son visage, mais j'étais déjà en train de disparaître à l'étage pour jeter quelques affaires dans une vieille valise.

- Tu pars ? me demanda ma belle-sœur, Clémence.

- On ne veut apparemment plus de moi ici, lançai-je avec une hargne que je regrettais immédiatement.

On s'entendait bien, toutes les deux. Je regrettais de lui parler comme ça.

- Je peux parler à Chris... hésita-t-elle.

Entendre le nom de mon père me fit encore plus grimacer, et la colère s'enflamma encore plus à l'intérieur de moi.

- Je ne suis pas sûre de vouloir rester.

Je m'aplatis sur ma valise pour la fermer plus facilement. Je n'avais pas grand-chose à emmener avec moi, malheureusement. La jeune fille s'écarta avec regret pour me laisser passer, et je traînai mes bagages avec moi dans l'escalier. Mon père ne me lança pas un seul regard, ce qui acheva de me vexer, et je claquai la porte avec haine en sortant. Je lançai un dernier regard à la maison qui m'avait accueillie mais qui n'avait jamais été chez moi. Je ne savais pas quoi faire après ça, mais me dirigeai tout de même vers la gare. Je n'habitais pas loin de ce petit endroit, et c'était relativement confortable, donc ça valait toujours mieux que la rue.

Il s'agissait d'une soirée d'été, alors il faisait toujours jour, et la première chose qui ma passa à l'esprit fut de retourner au seul endroit qui avait jamais été une maison pour moi, la ville où j'avais grandi. J'avais repris contact avec mon ami d'enfance, Gaëtan, très peu de temps auparavant et je savais donc qu'il y habitait encore. Nous étions à nouveau très proche, alors je pensais bien que ça ne le dérangerait pas que je reste chez lui le temps de trouver un travail et un endroit où vivre. Bien sûr, je ne savais alors rien de son mode de vie débauché.

Je pris donc un ticket de train pour Genève, et j'attendis quelques heures pour que mon train arrive. Je n'achetai rien à grignoter, les prix étant excessivement chers dans les gares, et je voulais garder la petite somme de côté. Arrivée à destination après de longues heures la tête posée sur mes bras croisés, une position très inconfortable, je me levai de mon siège avec une raideur dans la nuque, et l'espoir d'avoir un train vers la ville que je souhaitais rejoindre.

L'Arcane : AbsolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant