Plus le temps passait, plus je me répétais la même chose. Quand la mort viendrait chercher ma mère, je la regarderais faire avec un sourire. Peut-être était-ce seulement pour me donner du courage ou l'apparence de la détermination, je ne savais pas si je le pensais vraiment.
Le jour arrivait rapidement, trop rapidement, et je ne me sentais pas vraiment prête. Je savais comment ça se passerait, ma mère me proposerait un duel au couteau, comme elle m'avait entraînée. Comme je la connaissais, elle se pensait meilleure que moi. J'avais passé énormément de temps à m'entraîner, surtout avec Gaëtan, quelques fois avec Kieran, qui n'était pas meilleur. Mais j'avais mes petites techniques, et je me sentais capable de la vaincre. Capable de la tuer, cependant, il s'agissait d'une autre histoire.
Si Dieu le voulait, je reverrais Gaëtan le soir suivant.
Il n'était pas là quand il fut l'heure de partir pour le lieu de rendez-vous, alors je lui laissai une note. Je ne voulais pas aller vers une mort possible sans le prévenir. Je l'informai d'où je me trouverais, de quand j'y serais. Je comptais sur le peu d'honneur de ma mère pour ne pas faire de sale coup en venant avec quelqu'un d'autre, puisque je serais seule. Elle était une Bolgarski, dont elle vantait les valeurs, alors je comptais là-dessus.
J'avais caché un Colt King Cobra dans ma ceinture, un revolver que j'avais acheté lorsqu'ils avaient été remis en production l'année précédente. J'avais aussi deux de mes poignards. J'avais enroulé mes paumes dans des bandages épais pour les protéger si mes mains glissaient sur la lame. C'était une technique que j'avais développée quand je m'étais rendue compte que mes mains devenaient glissantes après m'être battue pendant un moment. Entre la sueur, et parfois le sang dans certains cas, je préférais être assurée contre tous les mauvais accidents, particulièrement pour cette fois-ci. Je ne voulais pas qu'une blessure aussi stupide qu'une coupure due à un poignard glissant puisse me freiner.
Une fois prête à partir, je pris ma moto que je garais non loin et finit mon chemin à pied vers les entrepôts abandonnés. Il y en avait quelques-uns dans cette zone, et j'avais donné rendez-vous à ma mère dans un espace entre deux d'entre eux. Il s'agissait d'un cul-de-sac, une fois qu'elle arriverait, la sortie serait bloquée pour moi. Je posai mon casque sur le sol, quelque part où je ne risquai pas de trébucher dessus, où il ne me gênerait pas. Et j'attendis qu'elle arrive, avec pour seule occupation mon observation d'entrepôts désaffectés.
J'avais peur. Pour le première fois de ma vie depuis que j'étais consciente du caractère inéluctable de la fin, j'avais tellement de choses à perdre que j'avais peur de la mort. Et c'était peut-être cette frayeur qui, je l'espérais, me pousserait à donner le meilleur de moi-même et me pousserait à gagner ce combat. Je voulais vivre, ne serait-ce que pour revoir un sourire sur le visage de Gaëtan, ne serait-ce que pour refaire rire Kieran, pour m'assurer qu'Eli aille bien, pour organiser une sortie avec Kate qui avait étrangement pris une place dans ma vie en si peu de temps. Je regrettais même d'avoir renvoyé ma belle-sœur sans lui avoir parlé plus.
Je ne voulais pas que ma vie se termine là.
Et pourtant, j'hésitais à prendre une énième vie. J'avais arrêter de compter en cinq ans.
Alors que je commençais à douter qu'elle se montre, elle finit par arriver. Son visage était fermé, et je m'approchais jusqu'à voir ses yeux, toujours aussi verts et frappants. Je ne décelais aucune émotion. Et je compris pourquoi je tenais tellement à arrêter de travailler avec l'Arcane. Je ne voulais pas devenir comme elle.
Au moment où elle se tenait face à moi, je compris qu'elle avait perdu son humanité, et qu'il était trop tard pour elle. Mais pas pour moi.
- On est pas obligées de faire ça, dit-elle tout de même. Tu pourrais rejoindre les Claws, me rejoindre. On pourrait travailler ensemble. Tu es talentueuse, Cora Lina, ne gâche pas ce talent.
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L'Arcane : Absolution
ActionABSOLUTION nom féminin (latin absolutio) Acte par lequel le prêtre pardonne les péchés. Cora, vingt-deux ans, propriétaire d'un bar à la vue de tout le monde, tueuse à gages dans les petites ruelles sombres. Elle vit de ses mensonges et son sang-fr...