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Dans les semaines qui suivirent, Gaëtan et moi étions allés rendre visite à sa mère. S'il lui avait rendu visite régulièrement, j'avais disparu des radars pendant presque deux ans, et comme j'étais gênée d'aller la voir les mains vides, j'avais décidé de lui acheter une boîte de chocolats. Mon compagnon me guida à travers les couloirs qui sentaient l'antiseptique, et toqua à une porte pour annoncer son entrée. 

Je le suivis dans la pièce, et mon regard tomba sur la femme assise dans le lit. Elle regardait son fils s'avancer vers elle avec un grand sourire, et je me rappelai soudainement qu'ils avaient exactement le même. J'avais oublié ce détail. Elle sembla alors me remarquer, et son visage s'éclaircit. 

- Alors, Cora, tu as attendu tout ce temps pour venir me voir ? 

Je la pris dans mes bras, en souriant, heureuse qu'elle n'ait pas l'air de m'en vouloir, et lui présentai la boîte que je lui avais achetée. Le bonheur de vivre en Suisse, et d'avoir des chocolats de bonne qualité. 

- Je suis désolée, m'excusai-je. Je suppose que j'avais beaucoup à faire. 

- Je peux comprendre, acquiesça-t-elle. Tu es propriétaire d'un bar, ça doit être du travail. Comment ça va là-bas, d'ailleurs ? 

- Très bien, merci, mais nous ne sommes pas là pour parler de travail, ris-je. Si je peux y échapper pendant un moment, c'est sans problème et sans y penser deux fois. 

Gaëtan s'esclaffa, et posa rapidement ses lèvres sur ma tempe gauche. 

- Elle dit ça comme si elle était vraiment débordée alors qu'elle passe les moitiés de ses journées dans une église, se moqua-t-il. 

Je lui envoyai mon coude dans les côtes. 

- Tu devrais essayer, ça te ferait du bien, reprit sa mère. Mais je vois que tu as enfin saisi l'occasion de déclarer ta flamme à Cora... 

Je sentis mes joues se colorer d'un rose léger, et jetai un coup d'œil à Gaëtan, qui regrettait de s'être montré aussi tactile devant sa mère. 

- Maman... Ne lui dis pas que je parlais d'elle quand elle n'était pas là, c'est gênant. 

Je ris et lui frottai le dos. 

- Il me l'a déclarée par accident, en plus, racontai-je. 

Nous sommes restés dans la chambre d'hôpital, à rattraper le temps perdu pour ma part, aussi longtemps que possible, mais une infirmière finit par nous interrompre, en déclarant qu'il était temps pour nous de partir, mais que nous pourrions revenir quand nous voulions. 

Une fois à l'extérieur, je demandai à Gaëtan : 

- Que disent les médecins sur sa condition ? 

- Elle est forte, déclara-t-il, alors elle a encore des chances de s'en sortir. Ils vont bientôt l'opérer une nouvelle fois, et si après ça, ça ne s'arrange pas, ils ne savent plus. Mais je ne comprends pas grand-chose à leur charabia médical, je t'avoue. 

Je hochai la tête. J'avais foi en cette femme, elle semblait pleine de vie, malgré les quelques années qu'elle venait de passer clouée à un lit d'hôpital la moitié du temps. Je savais qu'elle pouvait s'en sortir. Elle le devait, je ne savais pas comment Gaëtan réagirait si sa mère venait à disparaître. Je ne voulais pas le laisser perdre son seul parent, surtout après que j'ai perdu les miens, mais il n'y avait rien que je puisse faire pour empêcher la vie de suivre son cours. 

En effet, la vie continuait, et j'en faisais enfin partie. Au fur et à mesure du temps, toutes mes blessures encore ouvertes, tout ce qui m'avait freiné, commençait à se résorber. Il en était de même pour Gaëtan. Nous nous aidions à guérir. C'était un processus compliqué, mais nous y arrivions lentement. 

Comme il me l'avait conseillé, j'avais fini par faire la paix avec moi-même, au bout d'un certain temps, et je l'aidais aussi à suivre ses propres conseils. Nous étions deux sur ce chemin, là pour se soutenir. Deux âmes-sœurs. 

Et au bout d'un moment, si nous n'oublions pas nos dilemmes éthiques, ils étaient loin derrière nous, ils faisaient partie d'un passé lointain. 

Depuis le jour où j'avais vu cette expression sur son visage, celle qu'il avait eu lorsque je lui avais annoncé que nous quittions l'Arcane, j'avais guetté sa réapparition sur son visage. C'était le moment où il était le plus beau, son visage le plus doux. Le moment où je l'aimais encore plus. J'aurais pu vivre pour ce visage. 

Il avait eu le même lorsque sa mère était sortie de l'hôpital, après tellement de temps. Elle habitait depuis dans son ancien appartement, et Gaëtan avait eu l'air d'être sur un nuage pendant des semaines. Le plus dur était loin derrière lui. 

Un peu plus tard, il avait décidé de finir ses études, avant qu'il ne soit trop vieux, selon ses propres mots, et avec nos encouragements. Il avait eu la même expression lorsqu'il avait reçu son diplôme. Espoir, bonheur et fierté. Il avait ainsi pu démarrer une nouvelle vie, avec plus de chances de son côté. Comme je l'ai déjà évoqué, il avait un réel don pour les finances qu'il avait choisi d'étudier, et dont je ne connaissais que les bases. 

Il avait aussi eu la même expression le jour où je m'étais agenouillée face à lui, le visage baigné de larmes de joie pour accepter sa demande en mariage. Après tellement de temps, tellement d'épreuves, tellement de problèmes, tellement de désespoir, la vie nous souriait. 

Pas toujours, au fil du temps, les liens se défaisaient, nous perdions contact avec certaines personnes, la mort nous volait des amis, des connaissances, mais nous étions toujours ensemble, l'un avec l'autre, l'un pour l'autre. 

Ça ne changeait jamais, bien heureusement. Nous étions ensemble pour chaque pas du chemin. 

J'étais aussi infiniment fière de moi-même. Après avoir réussi à me pardonner mes nombreux crimes, j'avais finalement atteint mon Absolution. 

L'Arcane : AbsolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant