Épisode 15

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Il fut un temps où c'était encore un exercice douloureux chez moi que d'adresser une première parole à une meuf à couper le souffle. D'autant plus que cette nana était un être fermé, impénétrable et qui abominait les hommes. Un être en qui semblait se faire sans cesse un travail mental, actif et dangereux pour les mecs.

J'avançais machinalement d'un pas trainant avant de m'arrêter au seuil de la porte qui offrait directe sur le balcon. Malgré la lenteur de mes pas pour camoufler ma présence, j'eus le pressentiment qu'elle m'avait senti venir, qu'elle voulait même que je vienne.

Il semble qu'en matière de séduction, c'est toujours la femme qui mène la danse tout en laissant à l'homme le rôle du chasseur. Il suffit juste de savoir décoder ce qu'elles expriment avec leurs corps.

Alors dans une allure décontenancée et relaxe, juste à l'entrebâillement de la porte, je contrefaisais de par ma bouche un discret « toc toc toc ».

Elle se retourna, le regard droit dans mes yeux. Je souriais ensuite, le plus naturellement du monde. Je souriais, radieux, mettant toute ma personnalité dans ce sourire.

Je vous dirai bien qu'ensuite lorsque nos yeux se sont accrochés, le temps s'en est allé au ralentie, que l'air vivifié du soir fit nos cheveux se dresser sur nos têtes, que le sol se déroba sous nos pieds, aussi admirablement que dans les films télénovélas.
Mais le temps ne s'est point ralentie, l'air ne fit point envoler nos chevelures et le sol est resté intact sur nos pieds.

Cependant tout est parti dans un premier temps par de petites taquineries, ces esquisses d'étreintes qui effleurent l'esprit des femmes en leur dépossédant de toute défense jusqu'à ce quelle finissent par se dire, « Voilà un homme bien charmant ! »

Ça part tout d'abord d'un regard qui allume le désir, ensuite de coquettes taquineries qui enflamment la pression, et enfin un langage corporel qui réveille un à un tous nos sens.

Dès que nos regards furent entrés en collusion, j'ai ressentis et j'ai vu ce désir s'allumer dans nos yeux. Et comme je m'étais arrêté à l'entrebâillement de la porte, je mis ma main sur le contact et j'éteignis la lampe pour laisser le noir s'installer.

Ensuite, avant qu'elle n'ait le temps de laisser le doute s'installer en elle, je fredonnais d'un ton chaleureux :
« Veux-tu bien nous éclairer au pur éclat de ton sourire ? »

Et dès que je perçu la musique envoutante de son doux rire, je remis le contact, comme pour la donner l'impression que son sourire avait ramené la lumière. C'était la première fois que j'entendais ce beau drame musical et féerique, et j'y avais pris un vif plaisir (Je sais, je l'ai déjà dit !).

Déjà enchantée, sans que je n'aie posé la moindre question, elle marmonna :
•J'allais me joindre à vous au moment de souffler les bougies, j'ai juste un petit truc à finir.

•Je peux t'aider ?

•J'imagine que tu voudrais quelque chose en retour ?

•Juste un ou quelques conseils... En quoi puis-je t'aider ?

•Je prépare un exercice de vocabulaire pour mon petit frère.

•Hum, vocabulaire...voilà ce qu'on va faire. Je suis l'élève et toi la madame.

•D'accord, veillez construire une phrase avec le mot « sucre ».

Et pour suivre le tempo, comme il fallait jouer au gamin, il me sembla tout d'un coup que je fus imprégné d'une innocence vive d'un gosse de six ans. Ensuite, comme j'ai vu que mon air enfantin l'amusait, je levais la main et fit : « Madame ! 🙋🏾‍♂️».

•C'est comment le nom déjà ?

•Ahmed Bachir

•Oui, Bachir ! Fais-moi une phrase avec le mot « sucre ».

• « Chaque matin, avant de venir en classe, je bois du café au lait. »

Ahurie, elle haussa les sourcils et dit :
Mais, ou est le « sucre » ?

Et toujours fidèle à mon rôle de gamin, je m'étais rapprochais tout près d'elle, je mis ma pouce à la bouche et je murmurais :
Le « sucre » est dans le café madame !

C'est alors que je découvris son fou rire, une douce gaieté, radieuse et d'où irradiait tout un bonheur teinté de nostalgie.

Sa gaieté était tellement singulière qu'elle pleurait de rire, en venant déposer tout doucement sa tête couverte d'une voile en satin sur mon épaule. Et dire qu'on venait à peine de se connaitre.

Mais alors qu'elle s'efforçait toujours de comprimer son doux rire, elle laissa échapper un « Toi, je t'aime bien ! ».

Symptômes amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant