Épisode 26

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Ô demain plein de mystères ! Un jour qui ne verra peut-être jamais le jour !

Nous croyons tous  que ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve demain rend la vie plus difficile, mais en réalité il est infiniment plus difficile de savoir à l’avance ce qui nous attend.

Voilà qu’un soir, comme nous rentrions d’une longue promenade, sous le firmament d’un ciel tout barbouillé d’étoile, je la sentis heureuse. Elle m’aimait ! Je ne pouvais pas m’y tromper ! Je le vis dans ses yeux aux prunelles chocolatées d’un roux caramel, ce regard ardent et anéanti qui m’affolait. Je sentis qu’une passion vivait en elle. J’en étais sûr, je ne pouvais pas me tromper. Je vis que son œil flambait d’amour. C’était comme une flamme rapide qui me brûlait, exaspérant mes ardeurs.
Elle vint s’assoir sur mes genoux, enveloppant ses mains chaudes autour de mon cou, en me jetant son haleine chaude dans la bouche :
« Dis mon chérubin, il faut qu’on aille voire une divinatrice. »

Je voulais l’en dissuader, moi qui nourrissais une méfiance inexplicable envers la science de la divination. J’ai même essayé de le dire d’un geste mais elle ne m’a pas laissé faire. Elle blottie toute sa personne vibrante qui irradiait cette vapeur d’amour d’où mon affolement était venu, en murmurant, on eut dire une gamine choyée :
« Elle pourrait nous lire les lignes de la main et sceller nos vies par des liens magiques. Alors tous ces gens qui essayent inlassablement de freiner notre amour ne pourront plus rien contre. »

Et comme j’hésitais toujours, elle cramponna  sur ma bouche une de ces suaves baisers dont elle seule connaissait le pouvoir puis me chuchota :
« Si tu acceptes, je te laisserai me faire toutes les bonnes choses qui te traverseront la tête. Et puis, j’ai enlevé ma petite culotte ! »

Oh comment dire non à  Zeyna, elle qui connait toutes les subtiles délicatesses de l’élégance féminine.

Alors je marmonnais : « Oui, oui mon bijou divin ! », l’embrassant à pleine la bouche.

Mais hélas ! Ce soir était le dernier bon instant que j’ai passé avec Zeyna, si vous voyez bien ce que je veux dire !

Le lendemain, sous la lourde chaleur de midi, nous allions d’un bon pas, vers notre avenir en cours de dévoilement. Ô demain plein de mystères ! Un jour qui ne verra peut-être jamais le jour !

Dès que nous fûmes assis en face de l’oracle, nous fûmes silence, et elle commença à parler d’un ton très bas, hésitant, voilé. Elle disait qu’elle a tout de suite senti le souffle  d’une volonté divine qui s’est abattu sur nous, qui descendait sur nous, qui s’est emparé de nous... Elle affirmait qu’une bénédiction s’est faite sur nous, une véritable, une grande, une sublime bénédiction. Elle dit : « Ce n’est point synonyme d'un Grand Amour (avec majuscule et tout et tout) mais plutôt une douce union plus stable que de grands sentiments. » Mais il était là à en a point douter. L’amour était là, présent, emplissant nos âmes, faisant déborder nos yeux d’émotions. Elle disait que sans nous avoir rencontré, peut-être, elle aurait beaucoup de mal à croire que l’amour pouvait avoir ce caractère vraiment divin. Elle dit : « Vous avez dans l’art de vous aimer, les secrets de vous conjuguer. »
Elle hésita un instant, secoua sa tête surchargée de chevelure argentée liée à la diable, on eut dire qu’elle fut subitement pénétrée d’une illumination dont j’étais très loin de soupçonner, elle secoua sa tête, se racla la gorge et d’une voix grisonne elle annonça sa prophétie, sa vérité, sa connaissance qui nous fit aussitôt regretter notre ignorance. En serrant ma main, elle dit : « Je te vois à côté d'une autre femme. Une grande femme de teint noir au reflets diamantins et à la corpulence tonique. Je vois que vous êtes très proche. Cette femme est ton épouse. »
Puis, se retournant vers Zeyna, elle enchaina : « Toi, tu porteras dans ton ventre l’enfant de cette autre personne. »  Elle dit cela juste et elle se tû. Après ça, c’était un silence d’enterrement, plus personne ne reprit la parole.

Depuis, le froid commença à élire domicile chez nous.

Depuis, tous les jours passaient et hélas, se ressemblaient désespérément. Dans ma tête et dans mon cœur se tramait un exercice douloureux. Moi, moi son chérubin, moi j’en aimerai une autre. Moi, moi son oasis, moi j’en épouserai une autre. Alors toutes ces années sacrifiées, tous ces instants d’amour, n’auraient-ils été qu’une veine illusion ?
Mais alors elle, elle mon divin bijou, elle, elle ma dulcinée, porterait-elle l'enfant d’une autre personne que moi ?

Je me disais qu’elle recommencerait bientôt, qu’un autre viendrait pour rallumer ses sens. Alors, je fus jaloux, mais jaloux comme un chien enragé. Je fus jaloux avec frénésie.

Et ce demain que nous espérions tant voir se lever, ne serait-il finalement qu’un jour qui ne verra point le jour ?

Symptômes amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant