Chapitre 2

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Je reste plongé dans mes pensées après le départ d'Effie. La pièce se remplie de commérages à propos de notre Tournée ainsi que des rumeurs sur l'édition suivante des Hunger Games. 

Tous les vingt-cinq ans, il a été prévu par le Capitole une édition spéciale des Jeux, d'autant plus cruelle que les autres : ils ne se contentent pas seulement d'envoyer vingt-quatre enfants se battre jusqu'à la mort, mais ces éditions sont préparées spécialement afin d'avoir encore plus de rebondissements. Les 25èmes Hunger Games et première Expiation, par exemple, ont eu la particularité de laisser le soin aux districts de voter eux-même pour leurs tributs. Les districts de carrières, le Un et le Deux, voient ça comme un grand honneur ; les autres, cependant, ont dû voter pour savoir quels enfants ils voulaient voir mourir. J'en frémis d'horreur. Les 50èmes Hunger Games et deuxième Expiations ont envoyé le double des tributs dans l'arène : 2 filles et 2 garçons de chaque district. C'est là qu'a gagné Haymitch. Je me demande brièvement comment, je ne lui ai jamais demandé. Mais je sais qu'il détesterait avoir à me raconter. Tout comme je détesterai raconter à mes enfants mes propres Jeux. 

Nous arrivons cette année aux 75èmes Hunger Games, troisième Expiations. Quelles seront les nouvelles inventions des Juges cette année ? Clémia me sort de mes pensées :

- Tu vas être mentor cette année, l'année de l'Expiation, c'est merveilleux !

Je ne réponds pas. Pour le Capitole, le début de nouveaux Jeux lance la meilleure période de l'année, où tout le monde s'amuse, prend les paris, regarde la télévision. C'est l'occasion pour eux de faire la fête. Je les laisse bavarder sans leur prêter attention, tout en croisant les doigts pour qu'ils ne remarquent pas mon silence. Mais c'est sans compter sur Portia, qui m'entraîne bientôt à l'écart dans le salon et m'interroge du regard. Je fais mine d'être surpris et de ne pas comprendre ce qu'elle me demande, assurant avec peu de conviction que tout va bien pour moi, mais elle ne lâche pas l'affaire :

- Ne me prends pas pour plus idiote que je ne le suis, Peeta Mellark ! Je sais que quelque chose te tracasse, alors tu ferais mieux de me le dire tout de suite. Je suis ton amie. Et les amis, c'est fait pour écouter, pour rassurer, pour donner des conseils.

Je résiste encore un temps, songeant au fond de moi que ce serait vraiment égoïste de lui faire part de tout ça. Je n'ai jamais été du genre à m'apitoyer sur moi-même, et je n'ai pas l'intention de commencer maintenant. Mais elle semble si déterminée à m'aider que je ne peux m'empêcher de finir par lui avouer, l'air pitoyable :

- C'est simplement que... eh bien, je m'inquiète au sujet de Katniss. Ces quelques mois suite aux Jeux ne se sont pas passés comme je l'aurais cru, et maintenant que nous allons replonger dans le monde du Capitole, j'ai... j'ai peur de ce qui va se passer entre nous.

Je me tais une seconde, les yeux fixés sur mes mains crispées autour de mes genoux. L'image de Gale s'impose à moi : grand, fort, beau ... et toujours en compagnie de Katniss. Il a pris ma place -non, il a repris sa place- dès notre retour au Douze. J'ai l'affreuse impression que je vais m'étouffer et je me racle la gorge, comme pour chasser des sanglots. Ce n'est vraiment pas le moment de craquer.

- Nous ne pouvons pas continuer de nous ignorer comme ça, je le sais. Mais j'ai peur que tout recommence. Peur de jouer, une fois de plus, la comédie de l'amour pour au final revenir ici et qu'elle reparte dans son coin, me laissant complètement brisé, comme ça s'est passé après les Jeux. Je ne veux pas la perdre une seconde fois.

Mais qu'est-ce qui me prend de bégayer comme ça ? Je ne sais vraiment ce qui m'arrive, en ce moment. Enfin, si, je le sais, encore faut-il se l'avouer. Portia reste silencieuse un temps, les bras croisés, les lèvres pincées. Je lis dans ses yeux une profonde tristesse qui me retourne l'estomac et je m'en veux aussitôt. J'ouvre la bouche pour la rassurer, lui dire n'importe quoi qui la fasse croire que je maîtrise la situation, que tout ça n'est rien du tout, qu'elle n'a pas à s'inquiéter le moins du monde, mais elle me devance, me serrant de nouveau contre elle :

l'ExpiationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant