Chapitre 7

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Je me réveille alors que le soleil commence à peine sa course dans le ciel. Katniss dort encore, et c'est un plaisir de pouvoir l'observer. Elle est toujours nichée au creux de mon bras et paraît si tranquille. Je me rends alors compte que j'ai dormi d'une traite, et elle aussi. Une fois n'est pas coutume, je ne l'ai pas entendu crier ni se débattre au beau milieu de la nuit. J'en suis étrangement fier, ne pouvant repousser l'idée que j'y suis un peu pour quelque chose. Et je suis aussi enchanté de ne pas m'être réveillé plusieurs fois avec mes angoisses habituelles. Katniss me sort de mes pensées car je la sens soulever délicatement le buste, comme si elle ne voulait pas me réveiller. Nos yeux se croisent, et je déclare :

- Pas de cauchemars.

- Hein ?

- Tu n'as pas fait de cauchemars, cette nuit.

- J'ai même fait un rêve, raconte-t-elle, satisfaite. Je poursuivais un geai moqueur dans la forêt. Pendant longtemps. En réalité, c'était Rue. Enfin, il avait la même voix qu'elle quand il chantait.

- Où te conduisait-il ? je demande, curieux de savoir, en repoussant doucement une mèche qui lui tombe devant les yeux

- Aucune idée. Mon rêve s'est terminé avant qu'on arrive. En tout cas, je me sentais bien.

- Ça se voyait dans ton sommeil.

- Peeta, comment se fait-il que je ne sache jamais quand tu fais un cauchemar ?

- Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression de crier, de me débattre ni rien de ce genre. Je me réveille pétrifié de trouille, c'est tout.

- Tu devrais me secouer dans ces cas-là, me reproche-t-elle.

Ces paroles m'arrachent un sourire, mais je me contente de répondre le plus sincèrement possible :

- Oh, inutile. Le plus souvent, je rêve que je te perds. Ça va mieux dès que je constate que tu es là.

Je la vois grimacer, froncer les sourcils. J'imagine que c'est inconfortable pour elle de n'avoir rien à me répondre, car ce que je ressens à son égard n'est pas réciproque. Elle a cependant le bon sens de ne pas me mentir et de rester franche avec moi. Ça a le mérite d'être clair : elle ne nourrit aucun sentiment à mon encontre, et le peu de « nous » qu'il peut y avoir est pour le Capitole. Ce qui me rappelle que la nuit prochaine, elle ne sera plus à mes côtés, et ça m'est affreusement douloureux. Si bien que je continue :

- Ce sera pire à la maison, quand je devrais recommencer à dormir seul.

Elle ne répond rien. Après quelques minutes de silences, nous décidons de nous lever afin d'affronter ce dernier jour de Tournée.

Ce qui m'inquiétait tant fini inévitablement par se produire : durant les nuits suivant mon retour au Village des Vainqueurs, je ne dors pas, ou presque pas. Mon bon vieux manège reprend de plus belle : je suis réveillé en plein milieu de la nuit, tétanisé par la peur, par des visions qui ne s'estompent pas. Je vois une Katniss étendue dans une flaque de sang immense, inconsciente, ou en haut d'un arbre, prise au piège par les carrières qui finiront tôt ou tard par la débusquer et lui faire subir un horrible sort. Je l'observe tenter de survivre avec d'atroces brûlures, piqures de guêpes tueuses ou autres coupures. Se battre jusqu'à la mort avec une Clove chargée de couteaux, ou se faire pourchasser par des chiens sauvages assoiffés de sang. Alors je me remets à faire ce que j'effectue dans ces cas-là : je sors une toile et peins ce qui me passe par la tête jusqu'à ne plus penser à rien. La journée, je retourne à la boulangerie aider mes parents et mes frères. Je dine souvent avec eux, et je rentre chez moi le soir. Et je ne dors pas. Je peins. Le même train-train se répète tous les jours. J'ai la bonne surprise d'avoir Portia au téléphone quelques fois, nous parlons alors de choses et d'autres, des potins du capitole, de ma routine ici, au Douze, de mes peintures. Elle m'apprend que le Capitole n'est plus approvisionné en tissus, rubans, étoffes et autres habits à cause de ruptures de stock. Ne voulant pas l'inquiéter, je ne discute pas de mon manque de sommeil avec elle mais je me contente de lui raconter mon quotidien entre mes toiles et la boulangerie. La neige ne cesse jamais vraiment de tomber, elle est là depuis notre départ pour la Tournée et quelques flocons reviennent de temps en temps recouvrir le sol.

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