l'Expiation

Chapitre 25

Nous ne nous faisons pas prier avant de décamper, pas très loin, dans le secteur de la pluie de sang. Nous mangeons rapidement en attendant que passe l'orage. Beetee demande à Katniss de grimper dans un arbre et de lui faire un rapport détaillé de ce qu'elle voit pendant l'attaque sur le grand arbre. Ce qu'elle fait. Puis nous cheminons vers la plage de 10 heures.

La vague a laissé le sable humide et lisse. Beetee nous laisse vaquer à nos occupations pendant qu'il règle les derniers détails de plan, son fil à la main. Chacun se repose à tour de rôle, et en fin d'après-midi, nous décidons de nous faire un bon repas de fruit de mer. Personne ne mentionne le fait que ce sera peut-être le dernier diner que nous partageons tous ensemble.

Sous les ordres de Finnick, nous nous employons à ramasser des coquillages, des huitres, et à pêcher du poisson. Je songe alors que je me serai plu au district Quatre, les pied en permanence dans l'eau de mer, à pêcher du poisson au filet ou au trident. Il aurait juste fallu que j'apprenne à nager. D'autant plus que la mer nous offre parfois un véritable paysage paradisiaque, avec les poissons multicolores sous un ciel rosé avec la lumière aveuglante du soleil. Je m'y sens bien.

Et enfin, nous nettoyons nos prises Finnick, Katniss et moi, pendant que Johanna monte la garde. Finnick me demande d'ouvrir les huitres avec mon couteau, ce qui est plutôt simple vu ma force. Au bout de quelques minutes, je trouve sous une des coquilles une perle. Nacrée, brillante, parfaitement ronde. Ça me rappelle ce qu'Effie avait dit de nous, l'année dernière au Capitole. Ce souvenir me fait sourire et je ne peux m'empêcher de m'exclamer tout fort en me tournant vers Finnick :

- Hé, regardez-moi ça ! Tu savais que si on applique une pression suffisante sur le charbon, il se transforme en perle ?

- N'importe quoi, me répond-il.

Je suis bien d'accord avec lui. Mais sur le moment, je n'ai pas osé contredire Effie. Elle paraissait tellement fière de nous présenter comme deux perles, issues d'un charbon que l'on a trop compressé.

C'est ici que tout a commencé pour Katniss et moi. Notre belle histoire, née de la souffrance des Jeux. Je décide donc d'aller rincer la perle dans l'eau puis de lui offrir. Elle l'accepte, l'examine dans le creux de sa main, à la lumière du jour. Je vois son froncement de sourcil caractéristique, puis elle plante son regard dans le mien.

Ma bonne humeur laisse place à la réflexion, à l'analyse -la lecture- de ses yeux. Ils sont pleins de sous-entendus. De non-dits qui, de ce que j'en vois, ne penchent pas en ma faveur. Elle me contemple comme elle regarderait son pire ennemi. Pour selon, je sais qu'elle ne souhaite pas m'éliminer. Non, elle va seulement aller à l'encontre de mon plan. Et je m'aperçois que même la meilleure arme que j'aurai pu choisir contre elle -sa famille-, n'aurait pas suffit à la faire changer d'avis.

- Le coup du médaillon, ça a échoué, pas vrai ? (Elle fuit mon regard.) Katniss ?

- Non, ça a marché, me répond-elle doucement.

- Mais pas comme je l'aurai souhaité.

J'en prend lentement conscience. Je ne la laisserai pas m'enlever ma dernière volonté, ce pourquoi je me bats depuis maintenant plus d'un an. Depuis toujours en réalité.

Je me rappelle de l'épisode du pain. Je me rappelle de ma stratégie des derniers Jeux, lorsque j'ai avoué mon amour pour elle afin de la faire voir du bon œil auprès des sponsors. Je me rappelle de mon effort à faire équipe avec les carrières pour sauver sa vie. Je me rappelle de l'attaque des guêpes tueuses, de l'épieu de Cato planté dans ma jambe, et de ces jours d'agonie. De ses innombrables fois où je l'ai observé à l'école. Ma volonté a toujours été de la voir heureuse. En vie. Je me raccrocherai à ces souvenirs, c'est ce qui me donnera la force dans mes derniers instants.