l'Expiation

Chapitre 8

Il essuie son fouet nous éclaboussant de sang, et quitte les lieux, suivi de près par le reste des Pacificateurs. Certains se mettent à plusieurs pour ramener celui qui est toujours cloué au sol. Alors que Katniss essaye maladroitement de dénouer les cordes autour des poignets de Gale, quelqu'un - je ne me soucies pas de qui - me tend un couteau et je me presse de couper les liens. Il s'effondre aussitôt sur le sol.

Haymitch nous conseille de le ramener chez la mère de Katniss, qui est connue comme une véritable guérisseuse dans le Douze. Fille de pharmacien, elle a toujours soigné la population du district.

Une femme nous vend la planche qui lui sert de comptoir pour son échoppe de vêtements afin qu'elle nous serve de civière pour le déplacer. « Surtout, ne dites à personne où vous l'avez eu » nous supplie-t-elle, affolée. Un vent de panique a soufflé sur la grand-place, et les habitants semblent avoir tous disparu dans la tempête de la peur. A tel point que lorsque vient le moment de porter Gale jusqu'au village des Vainqueurs, ne restent plus que deux amis mineurs du blessé, Haymitch et moi. Une jeune fille, connaissance de Katniss et Gale, nous propose son aide. Je la regarde en haussant un sourcil. Elle vient de la Veine, doit peser quarante kilos toute mouillée, elle ne pourra jamais nous aider à porter Gale qui est une énorme masse de muscles.

Nous commençons à partir mais j'entends Katniss lui demander de prévenir la mère de Gale. Elle nous rejoint en quelques foulées, son blouson à la main. Ayant l'habitude de soulever de lourdes charges à la boulangerie, je n'ai pas trop de difficultés à le porter, malgré qu'il soit devenu un véritable poids mort. Avec l'aide des trois autres garçons, nous arrivons chez Katniss en quelques minutes. Elle est quelques mètres derrière nous, pleure abondamment de l'œil proche de sa coupure, et tiens une poignée de neige dessus comme le lui a conseillé Haymitch. Pendant le trajet, les deux mineurs nous expliquent ce qu'il s'est passé :

- Gale est rentré de la chasse avec son dindon et, comme d'habitude, il est passé voir le vieux Cray pour le lui vendre. Toutefois, l'homme qui l'a reçu n'est autre que le nouveau chef des Pacificateurs, qui s'appelle Romulus Thread. Nul ne sait ce qu'il est advenu de Cray, il est devenu introuvable. Il a immédiatement mis Gale en état d'arrestation, et bien-sûr, avec son dindon mort à la main, il n'a rien pu dire pour sa défense. Traîné sur la grand-place, il a été contraint d'avoué son crime et condamné à être fouetté séance tenante. Lorsque Katniss est arrivé, il avait déjà reçu quarante coups de fouet. Il a perdu connaissance autour du trentième.

« Si Thread l'avait vu revenir avec Katniss et leur gibier quotidien ... » J'imagine le pire, ce qui me fait frissonner. Comme si le mineur avait lu dans mes pensées, il reprend :

- Une chance qu'il n'ait eu que ce dindon sur lui. S'il s'était pointé avec sa récolte habituelle, son compte était bon.

- Il a raconté à Thread qu'il l'avait trouvé dans la Veine. Que la bête avait sauté par-dessus le grillage, et qu'il l'avait transpercée avec son bâton. Ça reste un crime. Mais s'ils avaient su qu'il rodait dans les bois avec des armes, à tous les coups, ils l'auraient tué sur place, renchérit l'autre mineur.

Le souvenir de l'homme roux, inconscient, me revient à l'esprit. Je demande donc :

- Et Darius ?

- Au bout d'une vingtaine de coups de fouet, il a voulu intervenir, en disant que ça suffisait. Seulement, il ne l'a pas fait d'une manière maligne et officielle, comme Purnia. (Je devine qu'il parle de la femme qui est intervenu avant que l'on puisse s'en aller). Il a retenu le bras de Thread, et Thread l'a cogné avec le manche de son fouet. Il va avoir de gros ennuis.

- Comme nous tous, grommelle Haymitch, et je sens qu'il dit ça à mon intention.

Malheureusement, je n'avais pas d'autre idée ni d'autres recours que lui en tête, sur le moment. Nous arrivons enfin chez Katniss et, visiblement, sa mère l'attendait, puisque c'est elle qui nous ouvre la porte en nous voyant. En un seul regard, elle semble comprendre, et Haymitch, comme si cela expliquait tout, dit simplement :