l'Expiation

Chapitre 9

Tout mon corps semble broyé, si bien que je dois m'asseoir sur les marches devant sa porte pour me calmer. Je pourrais casser beaucoup plus de choses que dans le vieux dôme du district Onze, si seulement j'avais des objets à ma portée -autres que mon pain chaud. La seule manière d'évacuer ma colère et ma peine vient naturellement, et je sens des larmes m'inonder les joues. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Je savais que Katniss aimait Gale, je savais qu'ils s'étaient déjà embrassés. Mais le savoir et le voir sont deux choses différentes. Ma réaction me surprend et me mets mal à l'aise, car je ne pleure pas facilement, ce n'est pas une sensation familière pour moi. Je reste là un moment, à me consumer de l'intérieur, avant de me rendre compte que je suis complètement gelé. Je ne sais si je dois rentrer chez moi ou affronter la vérité. Ma décision est vite prise : comme je l'ai déjà évoqué, mais jamais je ne laisserai tomber Katniss. Je sèche rapidement mes larmes et, lorsque je rentre, elle s'est endormie. J'ai dû rester dehors très longtemps. Elle a la tête posée à moitié sur la nappe, à moitié sur l'étreinte de leurs doigts. Elle est restée là toute la nuit, près de lui, à lui tenir la main. Elle n'a pas voulu le lâcher. Elle ne le pourra sans doute plus jamais. Je reste là malgré tout pendant un moment, à la contempler dans mon désespoir.

Après un moment, je lui secoue les épaules pour la réveiller. Elle n'a pas bougé pendant tout le temps que j'ai passé à l'observer depuis que je suis arrivé. Elle se redresse, lentement, les motifs de la nappe imprimés sur sa joue indemne. L'autre paraît avoir désenflée mais reste marquée. Elle a dû tellement mal dormir que je ne peux m'empêcher de lui ordonner d'aller se coucher, quitte à ce que je prenne sa place auprès de Gale. Ce garçon qui m'inspire tellement de jalousie et de colère. Mais je le ferai, pour Katniss.

- Va te coucher, Katniss. Je vais prendre le relais.

- Peeta, à propos de ce que j'ai dit hier, à propos de nous enfuir ...

- Je sais, je l'interromps. Il n'y a rien à expliquer.

Je la vois froncer tristement les sourcils, plus épuisée que jamais, puis s'enfoncer dans ses pensées pour en émerger quelques secondes après.

- Peeta..., geint-elle.

- Va juste te coucher, d'accord ? je lui ordonne.

Elle se lève pour grimper l'escalier jusqu'à sa chambre, pas tout à fait éveillée, mais une fois arrivée, elle doit s'endormir comme une masse. Je prends donc sa place sur le tabouret à côté de Gale, dans le silence morbide qui plane dans l'habitation. Je sens la chaleur émaner de son corps, je me lève donc pour tremper une serviette dans l'eau glacée pour lui appliquer sur le front afin d'essayer de faire baisser sa température. Je ne touche pas à son dos, préférant laisser la mère de Katniss s'en charger.

Voilà maintenant que je me mets à prendre soin de lui. Pour elle. Je me demande finalement si je ne suis pas plus en colère contre moi plutôt que contre la situation. Quel idiot je fais-là. Mes frères m'ont toujours dit que j'étais trop gentil. J'en paie maintenant le prix.

Je laisse mon esprit divaguer çà et là, sans jamais lâcher Gale, en remarquant que la petite neige qui tombait lorsque je suis parti de chez moi s'est transformé en blizzard violent et bruyant. Le son qu'il émet m'est familier et me ramène au dernier soir passé dans l'arène, avec les cris des mutations génétique qu'étaient les loups. Je m'efforce de repousser cette désagréable pensée le plus loin possible de mon esprit, puis je vois arriver la sœur et la mère de Katniss. Elles paraissent surprises de me voir là, à sa place, mais je leur indique que j'ai pris le relais pour qu'elle puisse aller se coucher. Elles se contentent de cette explication et mangent un bout de pain avant de se remettre au travail.

Prim sort ramasser de la neige dans un grand saladier pendant que sa mère défait les bandages sur le dos de Gale. Elle semble satisfaite, alors que je ne vois qu'un semblant de peau en lambeaux. Certes, il n'y a plus de sang et ce n'est plus à vif, mais ça me semble toujours désastreux. Le saladier rempli par Prim se voit ajouté des huiles à base d'herbes, et elle se met à le touiller vivement. C'est à ce moment-là que j'entends Katniss hurler, comme elle le fait souvent, de ce ton qui m'est si familier maintenant, qu'est le cri qui la sort de son cauchemar. La famille de Katniss parait habituée, car elles semblent ne même plus l'entendre. Je me fais violence pour ne pas courir dans son lit la réconforter, la prendre dans mes bras, car je n'oublie pas que je ne suis qu'un ami. Qu'elle ne lâchera plus jamais Gale. Après quelques minutes de silence, j'entends ses pas. Angoissé à l'idée de la voir, ne sachant pas si je pourrais cacher ma tristesse et mon dégout de moi-même, j'annonce alors que je vais rentrer chez moi. « Ça m'ennuie de savoir ma maison vide avec cette tempête. ». Je n'ai pas trouvé de meilleure excuse. Sa mère semble me comprendre cependant, de plus Gale commence à émerger de son sommeil.