Lorsque le buzzer indiquant la fin de mon tour de parole retenti, la foule est toujours en délire. Je vois Caesar remuer les lèvres mais n'entends aucun son sortir de sa bouche malgré la proximité. Le public scande des cris d'injustice, de cruauté, et je croise un instant le visage de Portia. Elle parait fière mais je la surprends pleurant à chaudes larmes. Est-ce parce que ce buzzer rappelle que c'est la dernière fois que je m'adresse à Panem en direct, que mon heure est venue ? En est-elle consciente ?
Bien que j'espérais protéger Katniss en inventant un bébé imaginaire au chaud dans son ventre, et malgré l'hostilité du public vis-à-vis de notre retour dans les Jeux, je sais qu'il est impossible de reculer. Que Snow mettra tout en œuvre pour nous voir morts, ma partenaire et moi, même s'il devait tuer notre enfant pour ça. Je profite de cet instant de faiblesse, qui ne tombe pas si mal, entre la vision de Portia en pleurs et mes craintes au sujet de Katniss, et je me lève, salue le public et retourne à ma place en lassant à mon tour entrevoir mes larmes.
La foule hurle de plus belle, alors les réalisateurs sont obligés de mettre l'hymne si fort que ça nous crèverait les tympans. J'espère me faire pardonner auprès de Katniss lorsque ma main cherche la sienne, avec succès. Puis elle prend à son tour la main -le moignon- de Chaff, à ses côtés, et je suis témoin d'un effet domino surprenant : à leur tour, chacun des vainqueurs sur scène prend la main de son voisin ou sa voisine comme une seule et même unité, liée contre la cruauté de la situation. Tous les tributs se soudent en ce geste, retransmit en direct dans tout Panem.
Le réalisateur doit se rendre compte un instant trop tard de son erreur, si bien que les lumières s'éteignent et que nous devons tous rejoindre la sortie en tâtonnant dans le noir. Je ne lâche pas la main de Katniss et essaye de trouver une issue. Je me repère en faisant le même chemin qu'à notre arrivée mais en sens inverse.
Une fois aux portes d'ascenseurs, nous sommes seuls, nous prenons la cabine qui monte droit au Douzième étage. J'espère juste ne pas me refaire bousculer par Katniss comme l'année dernière, mais je ne vois aucune trace de fureur dans ses yeux. A l'instant où nous sortons de l'ascenseur et avant de se faire sermonner par notre mentor, notre hôtesse et nos stylistes, je prends les devants et attrape les épaules de Katniss pour qu'elle me regarde dans les yeux :
- On n'a pas beaucoup de temps, alors dis-moi : y a-t-il quelque chose dont je doive m'excuser ?
- Non, me répond-elle.
Son regard trahi une réelle fierté. Je songe que j'aurai dû demander à ce que cette fille soit livrée avec un mode d'emploi.
Nous nous asseyons en silence à la table la plus proche des ascenseurs en attendant les autres, perdus dans nos pensées. La première personne à en sortir est Haymitch, alerte :
- C'est la folie, en bas. Ils ont renvoyé tout le monde et annulé le résumé des interviews.
J'entends émerger des proclamations de l'extérieur : Katniss et moi nous penchons par la fenêtre pour essayer de comprendre les cris de la foule. Un mince espoir nait en moi :
- Que disent-ils ? Est-ce qu'ils demandent au président d'interrompre les Jeux ?
- Je crois qu'ils ne savent plus où ils en sont. La situation est totalement inédite. La seule idée de contester une décision du Capitole est déjà une source de confusion pour tous ces gens. Mais Snow ne pourrait pas annuler ses Jeux, même s'il le voulait, avoue Haymitch confirmant mes craintes. Vous le savez tous les deux.
- Les autres sont rentrés chez eux ? interroge Katniss
- En tout cas, ils en ont reçu l'ordre. Je leur souhaite bien du plaisir pour traverser cette foule, ajoute-t-il.

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l'Expiation
FanfictionPensant être sorti d'affaire suite à sa victoire aux Hunger Games, Peeta va devoir redoubler d'effort non seulement pour survivre, mais pour assurer un avenir à la femme qu'il aime depuis toujours. Hunger Games : l'Embrasement, du point de vue de Pe...