l'Expiation

Chapitre 4

La grande place du district Onze est bondée de gens qui nous applaudissent, avec une certaine retenue, et je sens Katniss se tendre de tout son corps. Bien, j'ai le sentiment qu'elle ne sera pas très à l'aise de toute manière, et puis il faut se l'avouer : parler en public, c'est surtout moi qui le gère pour nous deux. Je suis beaucoup plus enclin et habile à jouer avec les mots. Je souri à cette pensée.

Je pose mon regard rapidement sur les familles des tributs - deux femmes pour Thresh, qui doivent être sa sœur et sa grand-mère, à en croire la différence d'âge, et pour Rue, toute une ribambelle de frère et sœurs qui lui ressemblent trait pour trait. Je ressers alors mon emprise sur la main de Katniss. Lorsque le maire termine son discours de bienvenu et que nous recevons deux énormes bouquets de fleurs, je récite les remerciements écrits par le Capitole et Katniss prend ma suite. Vient le moment de nos commentaires personnels, et je commence avec aisance :

- Nous tenions à rendre hommage aux deux tributs du district Onze, Thresh et Rue. Pour leur courage et leur résistance, car ils ont su faire partie des huit derniers concurrents, grâce à leur immense intelligence et leur sens de la survie. Ils ont tous deux contribués à sauver la vie de Katniss, et également la mienne indirectement. Nous n'oublierons jamais cela, et leur en seront à jamais reconnaissants.

Mes pensées se dirigent alors vers une petite fille brune, à l'allure d'un petit oiseau, violemment transpercée par un épieu. Que Katniss a recouverte de fleurs et accompagnée jusqu'au bout. Puis vers Thresh qui, pour cela, a sauvé ma partenaire. S'il n'avait pas été là, Clove aurait pris du plaisir à la faire souffrir pendant longtemps. Et même sans cela, il aurait pu la tuer. Katniss serait morte sous ses coups, et nous ne serions jamais sortis de cette arène vivants. Je n'aurais jamais revu ces magnifiques yeux couleur d'orage que j'aime tant. Je n'aurais jamais pu entendre une nouvelle fois le son de sa voix. De son rire - même s'il est tellement rare. Mon cœur se fend à cette idée. Il a fait preuve de beaucoup d'humanité, au milieu de l'arène où le Capitole nous force à nous entre-tuer. Je me tourne alors vers les familles de Rue et de Thresh, vois la pauvreté de cet immense district, qui, s'ils avaient eu un gagnant, aurait été inondé de gloire et d'argent. Je vois leur chagrin d'avoir perdu un proche que rien ne remplacera jamais. L'humanité ... Et soudain, je prends conscience que c'est ce qui nous manque cruellement à présent, du haut de notre estrade. L'humanité. J'ajoute alors, le plus humblement possible, sans trop y réfléchir - car c'est pour moi la seule et unique chose à faire, et je n'ai pas le temps de savoir si c'est légal ou non :

- Rien n'effacera jamais leur chagrin, mais, en témoignage de gratitude, nous aimerions que les deux familles des tributs du district Onze reçoivent chaque année un mois de nos gains, jusqu'à la fin de nos jours.

Un mouvement silencieux de stupéfaction parcourt la ville, des murmures s'élèvent de la foule et les familles des tributs, jusqu'à Katniss, à qui je tiens toujours la main. Je me tourne vers elle, la regarde tristement, et pense « c'est le moins que l'on puisse faire ». Elle m'observe avec une fierté non dissimulée, ce qui me ravi, puis me rend un sourire éblouissant avant de s'approcher pour m'embrasser, à ma grande surprise.

Mon cœur fait des cabrioles dans ma poitrine lorsque le maire nous remet des plaques imposantes, et la cérémonie s'achève alors que je suis sur le point de m'en aller. Mais la main de Katniss me retient, car elle n'a pas bougé d'un poil. Elle semble hésiter, confuse, les traits coupables. Je m'apprête à lui demander dans un murmure ce qu'il se passe quand qu'elle me lâche et s'avance vers la foule :

- Attendez ! Attendez, je vous en prie. Je veux exprimer ma gratitude envers les tributs du district Onze. Je n'ai parlé à Thresh qu'une seule fois. Juste le temps pour lui de m'épargner. Je ne le connaissais pas, mais je le respectais. Pour sa force. Pour son refus de se plier aux règles, hormis les siennes. Les carrières le voulaient dans leur équipe depuis le début mais, il avait refusé. Je le respectais pour ça.