Chapitre 7

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La vie est une suite illogique par moment. Voici déjà deux fois que Ferdinand se faisait rembarrer par une jeune femme. Le premier non avait été facile à accepter, il avait dépassé ce rejet bien que surprenant. Mais cette fois, cette fois il y avait quelque chose qui l’avait piqué, qui avait intrigué son coté prédateur.
Quand il avait d’abord été frappé de plein fouet par cette jeune femme, les éclairs qu’elle lui avait envoyé avec son regard noir, sa voix tranchante, il avait adoré l’entendre rire quand on lui avait dit qu’il voulait l’épouser. S’il ne s’était pas retenu il l’aurait rejoint dans son fou rire.
Il sourit cette fois encore en ayant une vision de Mélanie tordu de rire dans son rétroviseur. C’était rafraichissant cette rencontre particulière, même si elle avait refusé de l’épouser, avant de techniquement s’enfuir. Sans qu’il n’ait eu le temps de mieux l’étudier.
Il l’avait observé pendant cette entrevue, elle n’avait rien à voir avec le genre de femme qu’il avait l’habitude de fréquenter. Elle avait bien plus de courbes, des courbes généreuses mais harmonieuses. Elles correspondaient bien à sa taille, parce qu’elle était aussi plus grande que les filles avec qui il s’affichait d’habitude, avec une paire de talon de 10 cm elle serait surement à la même hauteur que lui. Une peau marron clair, sans être vraiment être brune, douce, une vraie barre chocolat.
Ce qui l’avait le plus intriguée c’était ses cheveux naturelles et leur longueur, leur tenu, il avait passé le temps à les admirer, de loin ils semblaient doux. Il ne comprenait pas pourquoi les africaines se lissaient toutes les cheveux, alors que certaines avec les bons produits pouvaient les dompter et les sublimer. Il avait aimé qu’elle fasse parti de celles qui y arrivent.
Tout ce qui s’était passé aujourd’hui devrait le convaincre d’abandonner l’idée de faire de cette fille son épouse. Elle était tout sauf docile, elle était respectueuse certes mais elle ne se laissera pas dompter et cela sa mère le lui avait rappelé lorsqu’ils étaient parti de chez les Betsem.
- Je ne sais pas ce qui a pris ton oncle de penser qu’un ami comme celui-là pouvait nous mettre en contact avec une fille digne…
Il n’avait pas répondu, parce qu’il n’avait pas écouté, pour une fois il allait décider sans que sa mère n’intervienne. Quand il s’agissait des affaires elle le laissait toujours faire parce c’est son domaine, mais il savait qu’il ne devait pas la laisser régenter sa vie sous le seul prétexte qu’elle lui avait donné la vie.
- Je vais faire comme on a dit et je vais relancer Juliette peut-être qu’elle va changer d’avis, dit-elle.
- Non ! Tu ne feras pas ça !
Sa réponse la figea, elle le regarda désarçonnée.
- Tu abandonnes ? Tu vas dire à ton grand-père que tu ne te maries plus ?
Il prit un moment pour réfléchir. Mélanie avait dit non, mais quelque chose lui dit que s’il lui présentait la situation d’une meilleure façon, plus pragmatique, son esprit de mathématicienne pourrait prendre le temps d’y réfléchir.
- Non, j’ai quelque chose en tête, murmura-t-il en prenant l’allée de la résidence de sa mère dans le quartier huppée de Bastos où elle vivait.
- Ne me dis pas que ce à quoi tu penses a quelque chose à voir avec cette…
- Mélanie !
Entendre son fils prononcé le prénom de la jeune femme surprit sa mère.
- Ferdinand, cette fille n’est pas faite pour ce a quoi tu aspires !
- Comment tu peux savoir ça ?
- Ils ne sont pas de notre monde !
- Je te rappelle que nous non plus n’étions pas faits pour ce monde, maman ! Elle est intelligente, indépendante et si elle arrive à tenir sa famille comme elle le fait elle n’aura aucun mal à s’adapter dans « notre » monde !
Il n’avait pas convaincu sa mère, ce n’était pas important, celle qu’il devait convaincre c’était Madjê à Betsem Mélanie. La tribu de Mélanie, les Bafia avaient cette particularité dans les noms qu’ils donnaient à toujours rappeler de qui était l’enfant, en accolant le nom du père à celui de l’enfant. Reconnaitre l’individualité tout en rappelant l’origine. Il était jaloux de cette particularité.
Si les Peniel avaient accolé leur nom ainsi au sien il serait comblé et cela ferait une grande différence pour ceux qui n’imaginaient pas qu’il faisait parti de la célèbre famille. Il serait un Zoa parmi les Peniel.
Mais c’était un bien trop beau rêve ça ! Tout comme ce qu’il avait sous les yeux en ce moment.
Il avait décidé de contourner les embouteillages du marché Mokolo en prenant la route qui passait par la cité verte pour le carrefour MEEC, passant par la monté Renault, direction le quartier Damas où il avait rendez-vous avec son pote Martin qui célébrait sa dernière nuit en tant que célibataire.
S’il avait seulement imaginé que la providence le conduirait droit vers la personne qui trottait dans sa tête en ce moment. Elle descendait la colline en marchant, la démarche nonchalante, il l’avait reconnu grâce à ses vêtement, elle n’avait pas changé son tailleur en wax tout à l’heure avant de s’enfuir, et là elle descendait la colline dans la nuit seule, entouré d’herbes hautes, dans l’obscurité qui était diffuse de temps à autre par les phares d’une voiture qui passait par là.
Pire encore elle avait le dos tourné au véhicule qui allait dans le même sens qu’elle. Sachant que cette route comme bon nombre des route dans le pays n’avait pas de trottoirs, soit elle est inconsciente soit elle a un problème. Lui coupant la route avec son 4X4 il descendit en vitesse, contourna le véhicule pour la rejoindre.
- Mélanie… tout va bien ? Vous savez que vous êtes du mauvais coté de la route…
Il se tut lorsqu’elle leva sur lui des yeux rouges de larmes. Son visage était dévasté, elle encercla instinctivement sa taille, signe d’autoprotection.
Qu’est-ce qui lui arrivait ? C’était juste à cause de la demande en mariage qu’elle était dans cet état ? Qu’y avait-il d’autant répulsif chez lui pour provoquer cet état ?
- Qu’est-ce que… vous sortez d’où ?, lui demanda-t-elle regardant autour d’elle comme si elle était perdue.
- Non, vous vous sortez d’où ? Plutôt vous allez où comme ça en marchant seule dans une zone comme celle-ci ?
- Est-ce que c’est votre problème ?
- C’est quoi ce pays où les gens répondent aux questions en posant une autre question ?, s’impatienta Ferdinand.
- Un pays où une femme est libre de marcher seule dans la nuit sans avoir à subir un interrogatoire !
Ah, cette fille avait le don de lui retourner l’estomac.
- Donc je devrais m’en aller ?...
- Qui vous a d’abord demandé de vous arrêter ?, rétorqua-t-elle en le défiant du regard. Je ne vous ai rien demandé…
Il était tenté de la laisser là et continuer sa route, mais comment ferait-il ensuite pour la convaincre de l’épouser si elle apparaissait demain dans la colonne faits divers du Cameroun Tribune.
- Je ne vais pas vous laisser ici… ce serait vous faire trop de bien ! Puisque je vous horripile au point où vous préférez tentez votre chance avec les taxeurs ou pire des trafiquants d’organes, je vous embarque !
Il ne voulait pas passer la nuit à discuter surtout qu’il était mal garé, il ouvrit la portière coté passager et la poussa littéralement dans le 4X4. Elle protestait encore lorsqu’il s’installa encore une fois derrière son volant.
- Je ne vous ai rien demandé, je ne vois pas pourquoi vous venez jouer les super-héros à la rescousse de la demoiselle en danger.
- Ce serait plus simple si vous mettiez votre ceinture et que je vous accompagnais tranquillement chez vous !
Elle piaffa, ce son mi condescendant mi irrité le fit sourire, il jeta un coup d’œil vers elle, elle mettait sa ceinture, d’une main, se nettoyant le visage de l’autre.
- Que vous est-il arrivé ?
- Rien.
Sa voix était tranchante, il aimait le fait qu’elle ne cherchait pas à adopter un accent occidental en s’adressant à lui. Il se retourna vers la route. Elle était vraiment hostile.
- Alors pourquoi vous pleurez ?, insista-t-il.
Elle soupira et lui jeta un regard noir.
- Je peux savoir pourquoi ça vous intéresse ?
Il rit doucement et secoua sa tête.
- Je vais vous répondre ensuite vous allez faire comme moi et ne plus répondre à une question par une question !
- Faut voir…
- Faut voir ?, fit-il éclatant définitivement de rire. Ok, je me sens concerné parce que je suis humain et que vous voir ainsi est… touchant !
Même lui n’était pas convaincu par la fin de sa phrase. Alors il ne fut pas étonné que Mélanie éclate de rire, un rire franc qui illumina son visage.
Ok, elle se détendait, pensa Ferdinand.
- Elle est vraiment bonne !
- Vous ne me croyez pas ?, demanda Ferdinand en lui faisant une mine concernée.
- Non, vous ne me connaissez pas assez pour être touché par ce qui m’arrive…
- Ce que vous dites Mélanie c’est qu’on ne peut pas compatir à la souffrance des gens que l’on ne connait pas ?
Elle eut un regard perdu dans le paysage nocturne de Yaoundé, illuminé par les petits points lumineux qui donnaient à la ville son éclat, cadencé par ses collines.
- Aujourd’hui l’homme ne sait plus ce que veut dire compatir pour autrui…
Il vit ses yeux s’embuer, mais elle chassa les larmes d’un battement de cils.
- Déjà que ceux qui sont sensés vous aimer sont les premiers à vous poignarder dans le dos, alors je ne vois pas comment un inconnu se soucierait de vous et de votre sort !
- C’est un bien triste tableau que vous dépeignez là, Mélanie !
- C’est malheureusement la réalité M. Zoa !, déclara-t-elle en le fixant dans les yeux.
Il crut reconnaitre quelque chose dans ses prunelles sombres.
- Il était avec quelqu’un que vous connaissez ?
Sa question la surprit.
- Pourquoi certaines personnes ne sont excitées que part ceux qui sont déjà avec quelqu’un d’autre ?, demanda-t-elle sans vraiment s’adresser à lui.
- Parce que les meilleurs joueurs sont sous contrat !
Elle tourna vivement la tête vers lui et éclata une fois de plus de rire. Son visage était une pure merveille lorsqu’elle riait, avec ses deux adorables fossettes qui venaient creuser ses joues, comme ceux d’un bébé, et ses yeux pétillants.
- C’est à cause de lui que vous avez dit non à ma demande ?
- Non… pas vraiment !
Elle prit un moment pour réfléchir moment pendant lequel Ferdinand pria pour que quoiqu’il se soit passé, que cet événement crée une brèche pour qu’elle accepte au moins de discuter de sa proposition.
- J’ai refusé votre demande parce qu’elle est farfelue… Et je ne pleurais pas à cause de lui, mais elle ! C’était la dernière personne dont j’aurai attendu un coup de couteau dans le dos, murmura-t-elle son calme retrouvé.
- Comment elle s’appelle ?
- Caroline…
- Hmm…
- Nous sommes amies depuis le primaire, nous avons toujours été proche, au point où mes réussites… mes problèmes étaient les siens… et les siens les miens !
- Je vois ! Et si quelqu’un de si proche peut vous faire du mal vous doutez qu’un inconnu puisse vous tendre une main honnête ! Vous ne vous dites pas que celui qui n’a aucun intérêt à vous faire du mal c’est celui qui n’a aucune idée de votre succès, qui n’y a pas accès ?
Elle leva une fois de plus un regard surprit sur lui, elle avait quelque chose avec  ses yeux qui troublait Ferdinand, il ne savait pas trop quoi.
- Je n’ai pas envi de rentrer chez moi !, lança-t-elle. Vous pouvez… me déposer à Efoulan ?
- J’allais à Damase lorsque je vous ai croisé à Yoyo Bar…
- Comment ça se fait que vous connaissiez aussi bien les noms des coins de la ville…
- Mélanie, je suis peut-être métisse, je vis peut-être au pays depuis seulement 3 ans… mais je suis un pur produit Camer, répondit-il en riant avec un accent pour appuyer son argumentaire.
- Je vois !
Ils rirent ensemble.
- Où voulez vous que je vous dépose à Efoulan ?
- Au niveau du pont ce serait bien ! J’ai une amie qui vit là-bas, j’espère au moins qu’elle est seule !
- Ok !, fit-il en empruntant la route de Biyem-Assi. Je sais que ce n’est peut-être pas le moment de vous parler de ça…
- Je ne peux pas vous épouser, coupa-t-elle brusquement.
La légèreté d’il y’a un instant s’était envolée. Mais il savait qu’il ne devait pas la brusquer, elle devait encore intégrer la trahison de son amie donc, il devait chercher un autre moyen pour l’attirer dans ses filets.
- Je voulais vous inviter à un mariage demain en fait !, souffla-t-il prétextant être vexé.
- Oh ! O… je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée…
- Pourquoi ? Vous avez quelque chose à faire demain ?
- J’avais…
- Alors vous préférez quoi ? Vous morfondre tout le week-end sur la trahison de Caroline ou bien passer une bonne soirée à vous amuser… ou vous ne savez pas danser !?
- Quoi !, s’écria-t-elle scandalisée. Je suis une fille Bafia M. Zoa, notre pas de danse est légendaire…
- Un pied devant deux derrières ? Oui c’est ça…
- Je vous mets au défi de mieux danser que moi !
- Pari tenu !, rétorqua-t-il. Demain je passe vous chercher à 20h chez vous, vous allez me montrer de quoi vous êtes capable.
- Ça va saigner…
Voilà, au moins elle avait mordu à l’hameçon, il était hors de question qu’au sorti de cette cérémonie de mariage qu’elle soit encore sur la défensive en ce qui concernait sa proposition, il allait tout faire pour mettre les chances de son coté.
Il se gara devant un immeuble tout près du pont, à Efoulan. Elle détacha sa ceinture et se tourna vers lui.
- Merci… vous m’avez au moins fait rire cette nuit, dit-elle en tendant la main vers lui.
- Je vous en prie Mélanie, vous avez été courageuse pour laisser un étranger entrer dans votre espace !
Elle lui sourit une fois de plus, se délecta de voir encore une fois ces belles fossettes se former autour de sa bouche pulpeuse.
- Et ce sera avec plaisir que je vous prouverais demain qu’un métis est dangereux sur une piste de dance.
Elle éclata de rire, elle allait ouvrir la portière quand il lui fit signe de ne pas bouger avant de sortir pour lui ouvrir. Il savait que les camerounaises n’étaient pas habituées à certains gestes mais lui avait grandi en les voyant et en les pratiquant avec sa mère donc il ne faisait pas d’exception.
- Vous êtes galant, remarqua la jeune femme en lui souriant.
- Vous n’avez encore rien vu ma chère ! Essayez de vous reposer, n’y pensez pas trop !
- A quoi ? Votre demande en mariage ou la trahison de mon amie ?, demanda-t-elle avec espièglerie.
Il sourit.
- Les deux… vous avez besoin de remettre de l’ordre dans votre tête et puis ce ne sont pas les occasions qui manquent pour ramenez ma demande sur la table.
Sa sincérité sembla lui plaire, elle lui fit un mouvement de tête avant de lui faire signe qu’elle devait y aller. Il savait pourquoi, il l’avait reconnu tout à l’heure, elle avait la cambrure la plus atypique qui soit.
Il avait encore le sourire malgré qu’elle ait disparu dans l’immeuble, ayant repris sa place à l’arrière du volant, il se dit que ce n’était peut-être pas perdu. Il détestait perdre et il ne laissait aucun obstacle l’empêcher d’atteindre ses objectifs.
Il fit demi-tour, pour aller chez son ami, en profita pour lui annoncer que demain il serait à son mariage avec une personne spéciale et que Martin devra jouer le rôle de 10 comme il ne l’avait jamais fait avant.


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