Chapitre 35

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Ferdinand écoutait Mélanie avec stupéfaction. Il avait décidé de l’accompagner lors des obsèques de son élève, et ce qu’elle lui expliquait pendant qu’ils étaient assis sous la tente des invités de la famille pour assister à la veillée mortuaire de l’adolescente, lui glaçait le sang.
Pas parce qu’il n’avait jamais entendu une histoire qui décrivait le comportement d’un pervers narcissique, mais qu’il n’aurait imaginé être aussi proche d’un homme diabolique. Ce qui lui retournait l’estomac c’est l’idée que Mélanie côtoyait cet homme au quotidien. Il ne voulait pas la savoir aussi exposé à ce type.
Un type capable de laver la tête d’un enfant, d’en faire sa chose pour son bon vouloir. Lui qui est sensé instruire ces enfants et leur donner les armes nécessaires pour affronter la vie et ses difficultés, s’étaient attelé à être un frein à leur émancipation et à leur évolution.
- D’après mon élève, il a plus d’une victime dans le lycée tout entier, il va même jusqu’à aller les chercher dans le premier cycle, murmura Mélanie.
Il la sentait tendue, crispée et énervée.
- C’est un véritable porc !
- J’ai dû me retenir pour ne pas courir dans le bureau du proviseur tout à l’heure ! Il a fallu que Mme Mokoe me fasse comprendre que tant que nous n’auront aucune preuve, aucun témoignage d’une des ses victimes nous ne réussiront pas à le faire avouer !
- Elle a raison ! Vous avez besoin de plus que la parole d’un jeune élève indiscipliné contre son professeur… dans d’autre cieux ça suffirait pour le suspendre et ouvrir une enquête, mais ici surtout si ce que cet enfant vous a dit est vrai alors vous avez besoin de plus d’élément avant de pouvoir faire quoique ce soit !, dit Ferdinand.
Mélanie soupira d’exaspération. Il comprenait sa position, elle savait que ce type était une menace mais elle ne pouvait rien faire pour le retirer de l’équation. Et Ferdinand lui craignait qu’il se rende compte de ce que Mélanie manigançait et qu’il s’attaque à elle.
- Mélanie, merci de m’avoir parlé de ça ! mais je t’en prie ne te précipites pas, reste prudente et surtout laisse moi faire maintenant. Je vais voir comment je peux aider à faire enfermer ce pervers.
Il lut dans son regard de la reconnaissance, ce qui réchauffa son cœur. Il aimait tellement voir ce regard, il était hors de question qu’il la laisse se mettre en danger. C’est sa femme, alors il va jouer son rôle de protecteur. Il observa de loin le professeur en cause ici et décida de le mettre tout de suite sous surveillance. Il avait les ressources il allait les utiliser ! Par chance en plus de protéger Mélanie, il allait pouvoir trouver un moyen de résoudre ce problème définitivement et mettre cet homme hors d’état de nuire.
Une fois rentré, il prétexta un dossier important à gérer pour retourner dans son bureau où il fit venir Paul pour mettre déjà sur pied un plan de protection pour Mélanie et aussi trouver la meilleure stratégie pour en finir avec la menace que représentait ce Mr Ndzana.
- Oui Monsieur, fit Paul en entrant dans son bureau.
- Oui, Paul ! Fermes derrière toi et prends place, dit Ferdinand en lui faisant signe de s’installer face à lui.
Paul était à son service depuis des années déjà, c’est le plus vieux de ses employés et aussi celui en qui il avait le plus confiance.
- Nous avons une situation délicate entre les mains, Paul !
- De quoi s’agit-il Monsieur ?, demanda-t-il avec une expression grave.
- Mélanie ! Elle est aux trousses d’un collègue qui a des comportements controversés avec des élèves de son lycée.
- Le professeur de Philosophie ?, s’enquit Paul en déboutonnant sa veste pour être plus à l’aise.
Sacré Paul, pensa Ferdinand en souriant. Il reconnaissait bien là son ancien chauffeur et garde du corps. Il avait toujours eut l’œil avisé.
- Tu t’es rendu compte de quelque chose ?, lui demanda Ferdinand en guise de réponse.
- Il a effectivement des rapports qui prêtent à confusion avec certaines élèves du lycée ! Je suis étonné qu’il n’ait pas encore reçu d’avertissement de la part de l’administration.
- Tu veux dire qu’ils sont au courant et qu’il le couvre ?
Paul paru réfléchir.
- Je ne sais pas exactement ce qu’il se passe à l’intérieur puisque je n’ai pas techniquement le doit d’entrer mais… il ne se cache pas réellement pour approcher les jeunes filles ! Il ne les embrasse pas au milieu de la cour, cependant il est bien trop souvent entouré par elle pour que ce soit passé inaperçu par l’administration.
Ferdinand soupira, il n’avait pas encore régler le problème du trafic dans son hôtel et maintenant il devait s’occuper d’un pervers qui avait installé sa salle de jeu en plein cœur d’un lycée.
- Il faut que tu assures les arrières de ma femme ! Je ne veux pas qu’elle se retrouve dans une position risquée avec ce type… s’il a le moindre soupçon qu’elle l’a dans son collimateur, il va s’en prendre à elle ! Il faut prévenir toute action offensive contre elle…
- C’est noté !, répondit Paul.
- Et je voudrais aussi que tu nous trouve une option de sorti pour ce porc ! Il faut qu’on trouve quelque chose contre lui pour mettre la police sur son dos !
- Vous pensez que nous devrions le suivre ?
- Fait tout ce qui sera nécessaire pour découvrir ce qu’il cache et l’exposé sans mettre Mélanie en danger, ordonna Ferdinand avec une voix rauque.
- C’est noté, Monsieur !
Paul se leva et s’apprêtait à prendre congé de Ferdinand quand il se tourna vers son patron.
- Monsieur, si vous permettez j’aimerais vous féliciter !, dit-il avec une expression que Ferdinand ne lui connaissait pas.
Paul lui souriait, même si c’était peu visible, c’était un sourire sur son visage d’habitude impassible.
- Me féliciter ?
- Oui, reprit-il. Vous avez trouvé une femme qui vous convient ! Je n’ai pas eu l’occasion de vous adresser mes vœux après votre noce, alors je le fais aujourd’hui ! Je vous souhaite tout le bonheur du monde.
Surprit, Ferdinand n’eut pass le temps de répondre que Paul était sorti comme s’il ne venait pas littéralement de dire à son patron qu’aucune autre femme ne lui conviendrait mieux que la jeune femme qui l’attendait dans son lit depuis déjà un quart d’heure et dont la chaleur lui manquait.
Cela dit il devait reconnaitre que son besoin d’elle dépassait la seule chaleur de son corps, mais aussi et surtout la chaleur de son cœur.
En enveloppant son corps du sien cette nuit il savait qu’il ne pourrait pas survivre à l’absence de cette femme dans sa vie et il fallait qu’il trouve un moyen de lui prouver ses sentiments, qu’il trouve un moyen de la garder.

Deux jours plus tard, Ferdinand était sorti très tôt car sa journée s’annonçait chargé de rendez-vous, alors que Mélanie était encore endormie. Le plus claire de sa matinée il la passa à l’extérieur de l’hôtel, hors de la ville car il devait prospecter des terrains pour ses futurs projets. Il avait tellement de chose en tête, qu’il n’avait pas remarqué les appels en absence de Mélanie, mais c’est un message que Martin reçut de son homme qui revenait de Kribi disant qu’il avait enfin les réponses qu’ils attendaient qui les poussa à retourner en ville.
C’est dans la voiture que Ferdinand remarqua les appels en absence de Mélanie, il essaya de la rappeler mais elle ne décrocha pas. Ça l’inquiéta mais il se dit qu’il serait assez vite à l’hôtel pour comprendre ce qui se passait avec elle.
- Elle ne t’a pas fait de message ?, demanda Martin.
- Non… et c’est effectivement bizarre qu’elle n’ait pas écrit !
Alarmé, il composa le numéro de Paul pour avoir des nouvelles, à peine il vit que le chauffeur avait décroché qu’il lui posa la question :
- Paul qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi Mélanie m’a appelé autant de fois ? Tu es avec elle j’espère ?
- Oui Monsieur, elle est dans le penthouse…
- Alors il n’y a pas de souci ?
Paul hésita et Ferdinand s’en rendit compte.
- Paul ?
- Monsieur, êtes vous sur le chemin du retour ?, demanda Paul en retour.
- Depuis quand tu réponds à une question par  une question Paul ?
- Je ne peux pas répondre à cette question Monsieur ! Si vous êtes sur votre chemin retour le mieux est que vous veniez voir par vous-même ce qui se passe avec Madame…
Ferdinand se demandait ce qui se passait pour que Paul ne veuille même pas lui en parler au téléphone.
- D’accord j’arrive ! Ne la perd surtout pas de vu, Ajouta-t-il avant de raccrocher.
- Hum ! Elle t’appelle plusieurs fois et ensuite ne décroche plus son téléphone… Paul évite de se mêler de ce qui se passe… Tu vas te faire disputer mon gars !
Ferdinand ne voulait pas s’avancer mais quelque chose lui disait qu’effectivement il allait se faire disputer, mais il n’allait surtout pas donner de la matière à son ami alors il n’en rajouta pas, se contentant de conduire vers la ville, vers Mélanie. Il avait ce nœud dans l’estomac qui le poussait à filer le plus vite vers elle pour pouvoir pacifier sa femme.
S’il avait imaginé que ce qui l’attendait à l’hôtel serait, facile à régler, il devait reconnaitre en entrant dans le penthouse pour tomber sur une Mélanie qui enrageait, en compagnie de son petit frère Charles, était loin d’être un problème facile à gérer.
- Bonjour Tonton Ferdinand, fit Charles en le voyant arriver.
- Charles ? Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être en train de travailler ?
Il essayait de banaliser la situation pour ne pas perdre la main, mais il savait que cette fois pacifier Mélanie allait être un véritable casse tête chinois.
- Travailler ? Ferdinand de quel droit tu donnes du travail à mon petit-Frère sans m’en parler ?, intervint-elle.
Il salua a maitrise qu’elle afficha, évitant de crier même si en l’observant il voyait bien qu’elle mourrait d’envie de se lâcher et de hurler de rage.
- Je ne crois pas avoir besoin de ton aval pour employer quelqu’un, Mélanie ! Charles vas travailler !, ordonna-t-il.
Il préférait laisser parler son égo, il ne fallait surtout pas que Mélanie lise entre les lignes et comprenne sa motivation principale lors du recrutement de son petit frère.
- Tu n’as pas besoin de mon aval, mais Charles est encore mineur donc au moins tu devrais demander une autorisation parentale…
- Que j’aie eu Mélanie !, la coupa-t-il.
Mélanie blêmit. Il eut mal, en la voyant rester bouche bée.
Charles se leva et sortit de l’appartement pendant que le couple était figé. Ferdinand savait que Mélanie ne lui pardonnerait pas d’avoir agit dans son dos.
- Tu es allé voir ma mère, pour qu’elle autorise Charles à travailler pour toi ?, lui demanda-t-elle.
- Non ! Ce n’est pas comme cela que ça s’est passé ! Ta mère et ton frère sont venus me rencontrer parce que Charles avait besoin de trouver un emploi…
- Il a besoin de trouver un emploi et ses études alors ? Il en fait quoi ?
- Il est au service juridique Bouton ! Et son emploi du temps lui permet de tout à fait de poursuivre ses études… il est ici à temps partiel…
Elle se leva de la chaise où elle était installée.
- D’accord ! Soit, ils sont venus te voir, pourquoi est-ce que tu ne m’en as pas parlé ?, demanda-t-elle.
Il ne pouvait pas répondre à cette question. Il ne devait pas répondre à cette question.
- Je… Mélanie
- Ferdinand Zoa qui hésite ! Depuis quand tu bégaie Ferdinand ?
Il vit la fureur parcourir les yeux de la jeune femme.
- Après tout le discours sur la confiance et le fait de se parler, s’ouvrir l’un à l’autre, tu as réussi à me cacher que tu avais donné du travail à mon petit-frère ? Dis-moi que ce que j’imagine n’a rien à voir avec tes réelles intentions avec ce recrutement soudain !
- Je ne vois pas de quoi tu parles !, mentit-il.
- Oh non ! Tu sais très bien de quoi je parle ! Tu as prévu ton coup bien à l’avance…
Ferdinand se rapprocha d’elle, essaya de la toucher, elle se dégagea de son emprise et le toisa avec dégoût.
- Ne me touches pas !, s’écria-t-elle. Je n’arrive pas à croire que je me sois laissé avoir !
- Bébé écoutes…
- Non ! Je ne vais pas écouter ! Tu es un vil manipulateur Ferdinand… Mon frère c’est ton plan B ! Dis-moi que tu as l’intention de m’accorder le divorce le moment venu ?
Il ne répondit pas ! Il ne pouvait pas lui mentir plus que ce qu’il l’avait déjà fait.
- Bien sur que non ! Je suis tellement naïve et stupide ! Croire que tu allais respecter les clauses de notre entente ! Comment une famille comme toi accepterait un divorce. Vous êtes tellement allergique au scandale, et toi tu ne pourrais surtout pas risquer qu’un divorce vienne ternir ton image. Parce que même si tu réussissais à accéder au trône, il serait hors de question que tu remettes ton autorité en cause en divorçant… alors moi je suis juste ta prisonnière ! Pour t’assurer que je ne dirais rien, tu as décidé d’employer mon petit-frère, un jeune sans diplôme, qui même s’il réussissait à avoir… à obtenir son diplôme aurait beaucoup de mal à trouver du travail, sachant que ma mère et ma sœur n’ont pas de source de revenu et que j’ai juré de ne pas leur donner un seul centime… son soutient serait la meilleure option pour que ma famille ne manque de rien…
Mélanie n’était pas professeur de mathématiques pour rein, elle savait raisonner et l’écouter schématiser son plan, lui permit de comprendre à quel point, il était machiavélique et égoïste.
- Mélanie ! Je sais à quoi ça ressemble mais…ce n’est pas exactement ce qui…
Elle leva sa main pour lui couper la parole.
Elle tremblait, il ne savait pas si c’était juste la rage ou s’il y avait autre chose.
- Dis-moi que tu n’as pas mis ma vie sur la balance face à tes intérêts Ferdinand !
Il devait lui faire comprendre qu’elle se trompait sur les intérêts qu’il avait mis en avant mais elle ne voulait pas l’écouter.
- Je suis ton jouet ! Je comprends bien que mon avis, est secondaire pour moi, tu as l’argent et le pouvoir et moi j’ai quoi ? Rien ! Je ne suis rien qu’un pion que tu pousses là où tu veux… je ne suis rien ni personne pour toi ! J’ai appris la leçon Ferdinand, je te remercie de m’avoir rappelé quelle était ma place…
Il voulait parler mais il ne trouvait pas les mots, il comprenait ses sentiments en ce moment, mais il n’arrivait pas à mettre au clair le profond désespoir qui l’envahissait là, tandis qu’elle l’abandonnait dans le séjour, les larmes aux yeux elle quitta l’appartement.
Ferdinand était figé, il venait de briser la femme qu’il aimait.
Il aimait Mélanie !
Et il venait de la laisser partir alors qu’il aurait dû lui avouer ses sentiments, la suivre te la supplier de l’écouter, la supplier d’écouter son cœur pour connaitre sa véritable place dans sa vie.
La sonnerie de son téléphone le fit sursauter.
C’était Martin qui lui rappelait que leur agent de retour de Kribi attendait dans son bureau au rez-de-chaussée. Malgré son envie de rattraper Mélanie, il fallait qu’il sache ce qui se passait dans son hôtel. Alors il envoya un message à Paul pour lui demander de garder un œil sur sa femme avant de rejoindre Martin et Cédric qui l’attendait.
Il entra comme une furie dans son bureau, attirant l’attention de Martin, mais son expression était tellement noire, que son ami n’osa pas lui poser de question.
- Bonsoir Cédric, alors, les nouvelles ?
Il allait droit au but, il n’avait pas le temps à perdre en formalités.
- Pas très bonne Monsieur !
- Comment ça ? Ils font quoi dans mon hôtel ?, grogna Ferdinand avec rage.
- Un trafic sexuel ! Des mineurs…
C’était comme si on venait de faire tomber le ciel sur la tête Ferdinand, c’était une chose de tromper et manipuler Mélanie, il ferait tout pour la récupérer ! Il ferait tout pour lui prouver que ses intérêts à lui n’ont aucun sens si elle ne fait pas partie de sa vie. Mais ça c’était autre chose, son nom ne pouvait pas être associé à du trafic de mineurs. Ce serait la fin de tout !
- Ils ont transformés l’hôtel en bordel, les clients sont de toutes les origines, les touristes locaux ou même étrangers…
- Ça dure depuis longtemps ? demanda Ferdinand qui n’en revenait pas.
- Six mois ! Mais ce n’est pas tout !  Le réseau ne se limite pas à Kribi, il s’étend jusqu’à Yaoundé… Ici même !
- Sous notre nez ?, s’exclama Martin incrédule.
- Oui, et ils le font depuis l’ouverture…, poursuivit Cédric en ouvrant une chemise dont il sortit une photo. Le réseau est dirigé par deux hommes, un qui est à l’intérieur et donne les ordres et un autre qui est comme l’homme de main ! J’ai une photo de lui…
Quand il vit le visage affiché sur le papier glacé, un frisson traversa son dos.
- Il se fait appelé Le Tigre !, dit Cédric.
Les yeux de Ferdinand et de Martin s’accrochèrent.
- Mélanie !, s’écrièrent- ils.

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