Nova Caeli

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- Bien, aujourd'hui nous allons étudier la vie d'Icare et les conséquences de sa trouvaille sur la vie des Fluxes, commença le Professeur Joahness en remontant du majeur ses lunettes tout en clignant fortement des yeux.

Les élèves du groupe Coronis - du nom d'une déesse Grecque comme leur apprit le professeur en commençant son cours sur la mythologie - se redressèrent sur leur chaise pour accorder toute leur attention au professeur qui leur faisait face. Malgré un petit mètre cinquante, il savait captiver les jeunes devant lui par ses récits épiques. Comme tous ses collègues, il avait commencé son premier cours en présentant le déroulement de l'année, sans en faire des tonnes à l'inverse de Laurent Benoit, et abordait à présent le vif du sujet. Son teint basané bien qu'un peu jaune, ses yeux bruns humides lui conféraient un visage d'homme malade contredisant son extraordinaire vitalité de langage qu'il accentuait de gestes des mains tout en appuyant sur certaines syllabes.

M. Joahness débuta son exposé avec un bref rappel de qui fut Icare. Quand il en vint au moment où celui-ci fut trouvé comme mort par son père Dédale, aucun bruit ne venait perturber son récit et tous les élèves restaient suspendus à ses lèvres, tant et si bien qu'ils accueillirent presque avec regret la fin du cours. D'autant plus qu'ils devaient ensuite se rendre en salle Cu Chulainn pour la connaissance des populations. Pourtant, peu pensaient au début de l'année apprécier des cours d'histoire. Tout comme son collègue, le professeur Wallem et ses cours de philosophie de prime abord inintéressants, il savait captiver son auditoire. Par leurs discours, ils entrainaient leurs élèves dans les arcanes du psychisme ou de la mythologie, leur faisant faire des tours et des détours de ces labyrinthes infinis. Argumentant chacun de leurs sujets et demandant à ce que leurs élèves fassent de même.

Les jours passèrent, puis les semaines. La météo capricieuse pouvait parfois compliquer les choses. On ne savait jamais quel temps il ferait le lendemain et il n'était pas rare non plus qu'il change radicalement en pleine journée. Si cela avait paru déroutant au départ – sous les cloches le temps était beaucoup plus régulé – à présent chacun s'y était habitué et les habits de pluie camouflaient seulement les petites tenues le temps d'une averse.

Alors que les mains d'Isaline et de ses collègues s'impatientaient d'utiliser le Fluide, un matin où la pluie frappait les carreaux avec force et que le vent se déchainait à l'extérieur, dans la salle de sport Bayan Ozmir leur réservait une surprise.

Ils venaient d'enchainer une série d'exercices physiques particulièrement difficiles si bien que certains l'écoutaient, avachis sur le sol du gymnase pour profiter de quelques secondes de répit quand elle leur dit :

- Bien, voyons de quoi vous êtes capables maintenant. Levez-vous et prenez une position bien stable, les pieds écartés de la largeur des épaules et les genoux légèrement pliés. Vous devez entrer en communication avec la terre, reliez vos pensées aux siennes et ainsi communier avec votre pierre que vous glisserez dans la poche sur votre cœur.

Autour d'elle, des murmures de protestations s'élevèrent des élèves épuisés qui se demandaient ce qu'elle allait encore leur demander. Pourtant, chacun obéit, se levant péniblement et prenant la position requise.

- Parfait, maintenant tendez les mains devant vous, paumes dirigées vers votre corps et fermez les yeux. Sentez-vous la grande chaleur qui règne ici ? Vous avez chaud, beaucoup trop chaud.

Isaline, bercée par les paroles, pouvait sentir la chaleur coller ses vêtements. Une goutte de transpiration perla à l'orée de ses cheveux et descendit le long de sa joue pour se perdre dans son cou, conséquence des exercices précédents et du discours du professeur.

- Ok, murmura Bayan Ozmir, vous ne songez plus qu'à vous rafraichir. Portez alors votre attention, les yeux toujours fermés, sur vos mains. Imaginez un souffle d'air frais s'en échapper et monter jusqu'à votre visage. Concentrez-vous bien sur cette image et murmurez nova caeli. Le vent frais prend naissance dans vos paumes qui se rafraichissent et monte doucement vers votre figure.

Tout d'abord, Isaline ne sentit rien, au contraire, elle avait toujours atrocement chaud. Elle s'exhorta au calme, respirant profondément tout en se concentrant de toute ses forces. À la cinquième incantation, elle imagina l'air entrer par son nez, elle le sentit envahir ses poumons et le vit rejoindre ses bras puis ses mains. Quand enfin elle expira, elle sentit la fraicheur de son souffle refroidir ses paumes comme si ses bronches avaient élu domicile dans chacun de ses doigts. Au bout de quelques secondes, un souffle frais et bienfaisant parcouru son visage puis son corps. Autour d'elle, des murmures au départ puis des exclamations se firent entendre, alors que le froid se répandait dans son sillage, gagnant ses proches voisins.

- Excellent Isaline, vraiment excellent ! approuva Bayan Ozmir sincèrement émerveillée. Sentez-vous le froid qui se dégage de ses mains, regardez la couleur bleu pâle qu'elles ont à présent.

Isaline ouvrit de nouveau les yeux et s'étonna de voir ses membres refléter la teinte de la glace. Mais, dès qu'elle y songea, le froid disparu, laissant la place à la chaleur qui l'accablait avant le début de l'exercice. Pourtant, ce qui la refroidit le plus fut le regard agacé que Calliope lui jeta. Habituée à briller dans tous les cours et particulièrement en sport, celle-ci s'imaginait légitiment être la première aussi en formation Fluidale.

Autour d'elle, les autres étudiants, encouragés par cette réussite, se positionnaient de nouveau pour tenter d'y parvenir à leur tour. Pourtant, au bout d'une demi-heure, alors que la sonnerie retentissait, nul autre n'avait obtenu un tel résultat. Certains s'y approchaient, les doigts blanchis comme lors d'une journée d'hiver mais pas plus. Seul le froid glacial qu'Isaline produisait, les gagnait tous.

- Comment fais-tu, chuchota Lucie située à cinquante centimètres de la jeune fille.

- Je suis le circuit de l'air parvenant dans ma bouche puis l'imagine passant dans mes bras pour ressortir par mes mains lorsque j'expire.

Malgré ça, Lucie ne parvint pas au même résultat que son amie et sortit du cours, heureuse pour elle, mais légèrement dépitée. Le chemin avant l'utilisation facile du Fluide serait encore long pour chacun. Et les jours qui suivirent, ils durent redoubler d'efforts pour y parvenir. Encouragée par ses bons résultats, Isaline quant à elle se découvrait une véritable passion pour son don et s'exerçait à tout moment. Elle parvenait à présent à jouer avec la balle de magie sans difficulté. Aussi testait-elle tous les sorts qu'elle découvrait, cherchant à en savoir plus sur eux avant de se lancer.

Descendance d'IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant