- Rangeons-le maintenant, avant que quelqu'un ne remarque leur présence, dit précipitamment Evan en fourrant le bijou sous son pull et attendant qu'Isaline fasse de même. Tu es convaincue maintenant ?
Il avait dit cela en regardant Isaline qui le découvrait sous un jour nouveau. Tout à coup, lui revint en mémoire les paroles de Sven. Il lui soutenait qu'Evan la regardait différemment et se comportait avec elle d'une façon plus chaleureuse qu'avec quiconque. Elle avait mis cela sous l'effet de la jalousie mais, à présent, elle comprenait ce qu'il avait voulu dire.
- Depuis combien de temps le sais-tu, demanda Isaline à Evan.
- Je m'en doute depuis ce premier jour dans le train quand je t'ai vue dessiner. Tu avais ce fusain que tu disais posséder de ta grand-mère. Selon toi, elle l'utilisait déjà de son vivant, or un fusain, si l'on s'en sert couramment s'use. Pas le tien. Et cette pochette dans laquelle tu le ranges semble appartenir à la nuit des temps. Puis, il y a eu ton induction qui a ébranlé les professeurs au point qu'ils en parlaient encore entre eux le soir avant le coucher, tes performances dans les cours de Fluide. Finalement, j'ai eu la confirmation lors du tremblement de terre.
Isaline voulu répondre mais le bruit de la porte qui s'ouvrait l'interrompit, les faisant tous sursauter. Le Professeur Benoit entra et les regarda d'un œil soupçonneux qu'il posa sur Isaline un moment avant de le tourner vers les autres.
- Que se passe-t-il ici ? J'ai cru voir une explosion depuis mon bureau. Pouvez-vous vous expliquer ?
Isaline sentit son cœur tomber dans sa poitrine, comment expliquer ce qu'il venait de se passer sans risquer de révéler une part de vérité. Pourtant, s'il y avait bien quelqu'un à qui elle ne voulait rien dire c'était bien à ce professeur. Elle ne voyait vraiment pas comment ils allaient pouvoir s'en tirer quand Maël répondit de façon naturelle :
- Excusez-moi Professeur, mon unicom est tellement lent que j'ai voulu le booster un peu à l'aide du Fluide. Mais, visiblement ce n'est pas une réussite.
Tout en parlant, il tendait devant lui son portable noirci d'où s'échappait une légère fumée noire. À le voir ainsi, on n'avait aucun mal à croire qu'il venait de subir des dommages irrémédiables. Isaline se demandait bien comment il avait pu faire ça en si peu de temps mais, elle le remerciait en silence pour sa présence d'esprit.
- Faites un peu plus attention à vos affaires à l'avenir Monsieur Dirlat, répondit le professeur Benoit tout en quittant la pièce.
La porte à peine fermée, Evan mit un doigt sur ses lèvres intimant à chacun l'ordre de ne faire aucun commentaire et prit la parole :
- Tu crois que tu vas pouvoir encore l'utiliser Maël ? Il me semble bien fichu cette fois. Je t'avais dit de ne pas en faire trop.
- Mes parents vont me tuer, geignit admirablement bien le jeune homme tout en leur montrant son unicom qui semblait neuf à présent et leur adressant un clin d'œil. Je n'ai plus qu'à les prévenir.
Il se leva et s'approcha de la porte, l'ouvrit en grand et sortit. Ne sachant plus quoi dire, les autres attendirent en silence son retour.
- Alors, murmura Calliope dès qu'il eut refermé la porte, il est parti ?
- Oui mais, je suis certain qu'il était resté derrière la porte jusqu'à ce que je me lève car j'ai eu le temps de le voir prendre les escaliers au moment où je sortais.
- Tu crois qu'il a des doutes ? demanda Isaline en regardant Evan.
- Depuis presque aussi longtemps que moi. Il était à ton induction, il t'a vu agir...
- Et il a mentionné la Pierre de Soleil à ce moment-là, acheva Isaline se souvenant subitement de ce moment.
En face d'elle, le Doyen faisait un petit signe de la tête, sourcils levés semblant dire « tu vois ». Mais il n'ajouta rien. Il était de toute façon trop tard et rien dans ce qu'il venait de se passer n'apportait de preuve supplémentaire au professeur Benoit.
- On peut te remercier Maël, tu as agi avec un tel sang-froid que je ne pense pas qu'il ait plus de certitude qu'avant. Mais, nous devons nous méfier. Je n'ai aucune confiance en lui, décréta Evan.
- Pourquoi, l'interrogea Kitty. Il est plutôt sympa comme prof.
- Non seulement il est hypocrite, commença Isaline et...
- Et surtout, il est un proche des Zwart, termina Evan en regardant Isaline au fond des yeux, la mettant au défi de le contredire.
D'ailleurs Isaline ouvrait déjà la bouche pour protester mais il ne lui en laissa pas le temps.
- Tu ne connais que Sven, s'empressa d'ajouter Evan, et il est certainement le plus doux de tous. Les Zwart sont une des plus anciennes familles de Fluxes que l'on connaisse. Ils ont toujours dirigé des entreprises plus ou moins louches et sont connus pour le contrôle dictatorial qu'ils mènent sur leurs employés. L'un des derniers à en avoir fait les frais n'est autre que le père de Lucie dont nous sommes toujours sans nouvelle. Oui, Isaline, la S.I.I appartient maintenant à la Black Fondation qui n'est qu'une autre branche de Zwart Enterprise. À ceci j'ajouterai que Benoit était, jusqu'à l'année dernière, un employé modèle d'Assynergie, cette boite d'ossature métallique régulièrement mise en cause dans les différents problèmes de construction. La dernière remontant à quelques jours seulement après l'effondrement de la cloche Athénienne. Il va sans dire que le patron de cette boite n'est autre que Vaxelaire, le père de Léo, et proche ami de Zwart senior. En fait, ils sont tout un groupe comme ça de puissants Fluxes à graviter autour des plus grands politiques. À eux seuls, ils représentent les plus grandes richesses et musellent tout le reste. Tu ne peux rien faire contre eux, ils sont les lois ; tu ne peux rien faire sans eux, ils possèdent l'argent ; tu les contredis, tu disparais ou pire un accident emporte tes proches. Leur position leur assure le contrôle du monde entier. Ils veulent toujours plus, ce qui les entrainent même parfois à évincer l'un des leurs pour s'emparer de ses biens. En revanche, la nature reprend toujours ses droits à un moment où à un autre. La dernière fois, ils ont dû inventer les cloches et les Intereuros. Mais cette fois ces infrastructures commencent à montrer leurs limites et menacent à leur tour de s'écrouler, les volcans se réveillent un peu partout dans le monde, même les plus anciens. Les tremblements de terre sont de plus en plus violents. Bref, tout s'écroule, menaçant de les engloutir eux et leur argent mais, tant qu'ils peuvent en prendre encore un peu, ils continuent.
- Tu ne crois pas qu'ils vont essayer de trouver une solution ?
- Pourquoi crois-tu que les Classiques pourris s'associent aux Fluxes véreux ? C'est bien parce qu'ils espèrent qu'ils trouveront encore une solution à leur problème leur rapportant un peu plus d'argent par la même occasion. Et comme ça tout le monde est content.
- Alors que venons-nous faire là-dedans ? l'interrogea Isaline. Je ne vois pas comment à nous deux nous pourrions sauver le monde.
- Déjà, nous ne sommes pas que deux ? Tu ne dois pas oublier tous ceux qui se battent depuis des années contre ce système, Miss Spott la première. Nous pouvons faire appel à eux et crois-moi, ils sont plus nombreux que tu ne le crois ceux qui veulent que cela cesse. De plus, si l'on en croit les visions de Melpomène Phébus et sa dernière peinture, nous ne sauverons pas le monde.
- Mais, contra Isaline, la prophétie dit que si nous nous allions, nous vaincrons.
- Non, Isaline ! Elle dit « Seul le froid et la chaleur lui résisteront, le Soleil et la Lune survivront. Leurs forces unir pour ça, leur amour gagnera. »
- C'est pareil, ça veut dire que nous gagnerons.
- Certes, mais à quel prix ? Si notre monde disparait, que deviendrons-nous ?
Isaline, pas plus qu'un autre, n'avait de réponse à apporter. Sans compter qu'il demeurait une inconnue de plus pour la jeune fille. La prophétie parlait d'amour entre le Soleil et la Lune. Or, elle n'était pas amoureuse d'Evan mais de Sven. Sven qui n'avait pas réintégré l'établissement à la rentrée et dont personne ne semblait avoir de nouvelle. Pas même Meurig qu'Isaline était allée interroger lors de la première soirée. Et elle doutait qu'Evan soit amoureux d'elle.
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Descendance d'Icare
Ficción GeneralAn 2301, pour se protéger des catastrophes naturelles, le monde vit sous cloches. Érigées par les plus puissants qui s'enorgueillissent d'avoir contré le réchauffement climatiques en s'enrichissant un peu plus, elles vieillissent dans l'indifférence...