Descendance d'Icare

Retrouvailles

Les joues creuses, des cernes noirs sous les yeux, Evan sortit du bureau de Mrs O'Shanter, accompagné par Miss Spott. Les couloirs de l'école résonnèrent sous leurs pas esseulés. Dès l'enlèvement d'Isaline, la directrice avait laissé les élèves rentrer chez eux. Seule une poignée comme lui, avait choisi de rester ici. Il y avait bien-sûr Bayan Ozmir, Professeur Wallem, Signora Diomira et tout un tas de partisans venus les rejoindre mais aussi Lucie et sa mère, Maël qui n'avait pas voulu abandonner Isaline et faisait tout son possible pour la retrouver, Calliope qui soutenait son jumeau comme elle pouvait et bizarrement Meurig. Au départ, Evan avait voulu le virer, un Orsfers n'avait rien à faire avec eux ! S'en était suivi une scène violente dans laquelle il avait mis toute la rage de son impuissance. Evan s'était jeté sur le jeune homme pourtant nettement plus grand et costaud que lui. Il l'avait attrapé par le col de son uniforme, déchirant à son plus grand plaisir le blason où brillaient les pierres précieuses. Il allait le jeter dans la première Oéole qu'il trouverait pour l'envoyer le plus loin d'ici quand celui-ci cria assez fort pour se faire entendre qu'il avait peut-être des indications. Sur le coup, il n'avait pas voulu le croire, il l'avait insulté de menteur, de sale Orsfers pourri gâté – certes ça n'avait rien à voir avec la situation – il avait voulu le frapper pour lui faire regretter de se moquer de la vie d'Isaline. Mais, c'était sans compter sur Bayan Ozmir qui les avait séparés. Elle avait alors pris le temps d'écouter l'écossais et elle comprit que le jeune homme avait une dette envers Isaline. Elle avait été là pour lui le soir du séisme alors qu'il avait cru mourir de peur et il voulait être là pour elle à présent. C'est d'ailleurs lui qui les avait mis sur la piste d'Agde. Sven lui avait un jour parlé de ce bâtiment à l'abandon qu'il retapait. Aussitôt, ils avaient envoyé des drones surveiller la zone. Ils avaient cherché des jours durant dans quel bâtiment ils pouvaient bien-être et lorsque l'un d'eux leur envoya les images de cet ancien aéroport qui tombait en ruine et qu'ils avaient découvert le garage pourvu d'une porte neuve maladroitement caché par des sortilèges, ils surent que les recherches étaient terminées. Malheureusement, ce foutu volcan était venu tout foutre en l'air. Pire, ils avaient failli y laisser leur peau et ils n'avaient même pas pu regarder l'avion s'éloigner, fuyant eux-mêmes, dans le sens opposé, les coulées de lave. Depuis, ils cherchaient le moindre indice qui pourrait les mettre sur la piste des fuyards.

Dans un geste d'apaisement, il faut dire qu'il n'arrêtait pas d'émettre une sorte de grognement, la petite concierge lui serra l'épaule avant de le quitter pour rejoindre ses appartements. Une fois de plus, comme tous les jours depuis la disparition d'Isaline d'Agde, il n'avait rien appris de nouveau. Et les parents de celle-ci dépérissaient à vue d'œil à travers le Visioscope, ce globe qui permettait de contacter les personnes à distance. Il faut dire qu'ils en avaient entendus depuis ce jour-là entre l'enlèvement de leur fille par un autre élève de l'école et la nature exacte de cette école et de ses élèves. Eux qui n'avaient jamais entendu parler des Fluxes en dehors de la brève lettre que leur fille leur avait laissé après Noël, découvraient tout un monde et surtout une famille maternelle en partie inconnus. Madame Salmacis ne pouvait croire que son sang renfermait un des plus grands Fluide. Et si cette nouvelle apaisa un peu la peur qu'elle éprouvait, elle confirmait surtout le besoin de créer ce bunker dont parlait Isaline dans sa missive. Depuis, ils s'y employaient, comme bien d'autres. En effet, les parents d'Isaline, ceux de Maël et quelques voisins de confiance, dont les parents de Leslie, construisaient sans relâche leur bunker à l'abri du regard des autres habitants. S'il le fallait ils accueilleraient tous ceux que le désiraient mais en attendant, ils ne voulaient pas prendre le risque de voir s'envoler leurs précieux matériaux de construction.

Incapable d'aller manger, Evan prit la direction du cottage des Orsfers. Cela faisait un moment qu'il avait eu cette idée-là. Même si le grand rouquin lui avait dit n'avoir rien trouvé dans les affaires que Zwart avait laissées, il voulait s'en assurer par lui-même. Et, comme il doutait que Meurig apprécie la démarche, il avait préféré attendre qu'il soit au repas avec les autres. Il avait bien essayé de se raisonner, le copain de Sven semblait sincère mais, non seulement, il ne supportait plus cette phase d'inaction et en plus Isaline lui manquait à en crever. Il avait beau avoir foi en la prophétie, il ne pouvait pas rester là sans bouger. Il devait agir. Et comme il ne savait pas par quoi commencer autant débuter par là.