Descendance d'Icare

Prophétie

Isaline put sortir de l'infirmerie dès le lendemain matin et reprit le chemin des cours, l'esprit encore tourmenté par ce que lui avait appris Evan. Elle ne voulait pas de problème ici mais, elle ne pouvait pas non plus empêcher Sven de l'approcher, elle n'en avait même pas l'envie d'abord. Ils ne se croisaient déjà guère qu'aux repas du midi. Là encore, ils ne le partageaient pas systématiquement, leurs heures de cours ne le leur permettant pas à chaque fois. Pourtant, ce jour-là, alors qu'il aurait dû repartir en sport assez rapidement, il traina autant qu'il put afin de rester avec elle. Pendant qu'elle prenait place à ses côtés, elle remarqua aussitôt qu'il n'était pas aussi souriant que les autres jours et pas très loquace. Il lui apprit juste qu'il avait eu une discussion très animée la veille, après son accident, avec son père. Et, comme elle l'avait deviné, leur relation plus que tendue n'avait pas aidé cette rencontre qui s'était à nouveau terminée par une colère sourde dont Sven n'arrivait pas à se détacher. Se rappelant la surprise qu'elle avait lue sur le visage de Monsieur Zwart lorsqu'elle lui avait appris appartenir aux Solstare, Isaline craignit d'être la cause de leur brouille. Elle avait tout de suite compris que le père de Sven ne jurait que par les personnes issues des Orsfers. Pour lui, elle ne devait pas être assez bien pour que son fils songe seulement à la regarder. D'ailleurs, il semblait en être de même pour tous les Orsfers. Elle se rappelait encore la réaction des amis de Sven le jour de la rentrée quand elle leur avait révélé le résultat de son induction. Elle trouvait ces a priori tellement ridicules et sans fondement qu'elle ne parvenait pas à apprécier Meurig ou encore Léo et n'importe lequel des autres du groupe pleinement. Parfois, elle se demandait s'il n'existait pas une réelle différence entre cottages. D'autant plus que chacun était catalogué ; les Pierres Précieuses comme vils et revanchards, les Pierres de Vie de trouillards sans caractères et les Pierres d'Ornements facilement taxé de rabat-joie. Mais, elle détestait ces raccourcis qui veulent faire des généralités sur tout et tout le monde. Elle préférait de loin se forger sa propre opinion.

Comme prévu, dès les cours terminés, le groupe de Solstare dévoué à l'animation se retrouva dans une des salles de repos. Ils n'étaient qu'une dizaine à avoir rendez-vous. Aussi, quand Isaline, Lucie, Maël et Kitty pénétrèrent dans la pièce, il n'y avait encore qu'Evan. Installé à une table, des papiers éparpillés devant lui, il se concentrait sur les notes qu'il inscrivait d'une écriture fine et nerveuse. Ne relevant qu'à peine le nez de ses feuilles, il les salua d'un vague bonsoir et les laissa s'installer face à lui sans plus leur porter d'attention. Légèrement mal à l'aise devant leur taciturne Doyen, les quatre jeunes n'osaient guère parler. Très vite, Lucie sortit son unicom et commença à surfer sur internet alors que Maël et Kitty discutaient à voix basse de leur côté. Isaline sortit son nécessaire à dessin, prête à montrer les monstres qu'elle avait déjà imaginé et à en créer de nouveau. Tout en faisant ça, elle observait Evan. Elle avait bien du mal à le cerner. Il était solitaire, certes, carrément asociale et en même temps, sa visite la veille à l'infirmerie prouvait qu'il se préoccupait de ses pairs et avait du cœur.

- Tu es encore en train de m'observer, l'interrompit-il narquois. Quelles sont donc les questions qui te tourmentes, cette fois ?

Agacée d'avoir été une nouvelle fois surprise en pleine réflexion, Isaline ne voulut pas lui révéler le fond de sa pensée. Elle prit le premier sujet qui lui vint à l'esprit et dit, tout en jouant avec son fusain :

- Je me demandais si tu savais pourquoi certains pensent que la fête du Solstice n'aurait peut-être pas lieu cette année.

- Oh ça ! C'est à cause de la prophétie !

- Pourtant même Mrs O'Shanter n'a démenti.

- Bien entendu, puisqu'il y a une prophétie. Seulement, il y a tellement d'années qu'elle existe que l'on perpétue la tradition sans vraiment plus y penser.