- Bonjour ! Aujourd'hui nous allons aborder la protection d'autrui, commença Bayan Ozmir en déboulant de son pas vif dans la salle Morrigan où ils étudiaient le Fluide. Durant votre vie de Fluxe, vous serez amenés à protéger les autres. En effet, dans tous corps de métier, vous seconderez un Classique, ou vous aurez à la charge des Classiques. Vous devrez alors tout mettre en œuvre pour les protéger, d'eux-mêmes le plus souvent. Ainsi, il pourra s'agir de consolider une structure que l'imagination et l'ego d'un architecte auront conçue grandiose mais dangereuse. Ou, plus simplement de protéger des populations d'une catastrophe naturelle en renforçant l'existant le temps de la tempête. Nous allons donc commencer par chercher à stabiliser des objets de petite ampleur pour ensuite passer à plus grand. La difficulté dans cet exercice consiste à mettre en place des solidifications mentales qui devront durer dans le temps sans qu'elles continuent à prendre votre énergie. Cela consiste à multiplier la matière originelle afin qu'elle soit plus compacte et ainsi plus résistante. Nous allons commencer avec ces fleurs que vous voyiez ici.
Elle attrapa une pleine brassée de jonquilles dont les belles et lourdes fleurs jaunes dodelinaient de la tête sur leur tige.
- Donc comme vous le voyez, reprit-elle en agitant légèrement les plantes qui ondulèrent de plus belle, si je les secoue un peu trop fort, comme ceci, elles cassent.
L'un des boutons jaunes s'arracha en même temps que ses mots et Isaline suivit des yeux sa chute jusqu'au sol où il s'écrasa mollement, fripant les fins pétales. Elle passa alors devant chacun des élèves posant sur la table une fleur, puis elle revint vers son bureau, toujours aussi enjouée.
- Bien, à présent, vous allez vous concentrer comme toujours lorsqu'il s'agit d'utiliser le Fluide. Nous allons commencer seulement par la tige pour aujourd'hui, le bouton étant composé d'éléments disparates et trop complexes pour une première. Voyez les tiges dont les fils montent tous vers le bouton dans une parfaite ligne droite. Imaginez un renfort entre chacune de ces lianes et prononcez Forticia.
Devant elle, les élèves se concentraient de toutes leurs forces. Les visages se coloraient de rouge, les fronts se plissaient et luisaient par l'effort fourni. Les mains au-dessus de leur fleur tremblaient et pour certaines se coloraient de vert. « À moins que ce ne fut la couleur de la tige qui se reflétait sur la peau » songea Isaline. Pourtant, elle sentit très vite la sienne frémir comme si un léger courant d'air parcourait la salle de cours. Des yeux, elle remontait le long du brin, puis recommençait plusieurs fois pour s'assurer qu'elle passait mentalement partout, le plus dur étant d'imaginer les endroits qui reposaient sur la table.
Rapidement, les élèves des pierres de vie, les bâtisseurs levaient la main signalant la fin de leur travail. Le professeur venait contrôler, pointant parfois une faiblesse dans la structure.
- Parfait, reprit Bayan Ozmir d'une voix presque basse pour ne pas déconcentrer les élèves devant elle, lorsque vous pensez avoir parfaitement consolider votre fleur, vous soudez chacun des renforts que vous venez d'apposer, à la tige, comme une colle perpétuelle en murmurant Empoisse.
Isaline pouvait presque sentir la colle s'échapper de ses mains comme d'un tube de gel et venir enduire la plante devant elle. Quand elle eut fini, elle leva les yeux sans oser relâcher sa concentration et parvint à attirer l'attention du professeur. Celle-ci s'approcha de la jeune fille et lui demanda de maintenir son effort encore un moment. Bayan Ozmir prit délicatement la fleur entre ses mains. Le bouton, bien-sûr, oscilla mais la tige resta parfaitement raide jusqu'à ce qu'elle entreprenne de l'écraser entre ses doigts. Trop faible, elle se brisa sous la pression.
Isaline poussa un grognement de mécontentement. Elle était tellement certaine d'y être parvenue.
- Ne soyez pas trop exigeante avec vous, Isaline, dit le professeur, votre structure initiale était vraiment parfaite. Il ne manque qu'un peu plus de consolidation.
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Descendance d'Icare
General FictionAn 2301, pour se protéger des catastrophes naturelles, le monde vit sous cloches. Érigées par les plus puissants qui s'enorgueillissent d'avoir contré le réchauffement climatiques en s'enrichissant un peu plus, elles vieillissent dans l'indifférence...