Inauguration

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Plusieurs fois par jour, Isaline sortait la prophétie de sa poche et la relisait alors qu'elle la connaissait par cœur. Elle avait bien tenté de ne pas lui donner d'importance, parce que le faire revenait à accorder de l'attention à Evan. Or, elle ne voulait pas songer à lui, à son mauvais caractère et à la façon dont il la traitait. Pourtant, elle avait effectué le geste tant de fois qu'elle avait même dû scotcher la feuille qui commençait à couper aux pliures. Elle était parfois bien tentée de faire comme les autres, à savoir se dire que ce n'était pas pour demain. Seulement, elle ne voulait pas donner raison à Evan et le laisser penser qu'elle était comme eux. Pour une raison qu'elle ignorait, il lui avait fait suffisamment confiance pour lui montrer et lui traduire la prophétie. En plus, il avait l'air vraiment touché par ces mots, les prendre au sérieux et chercher une solution. Aussi, Isaline se faisait un devoir de lui prouver qu'il pouvait compter sur elle. Elle avait très vite deviné que le Soleil et la Lune représentaient les Fluxes porteur de la pierre issue de ces deux astres. Mais, à ce qu'elle en savait, leur Fluide s'était éteint depuis plusieurs décennies. Elle ne voyait pas alors comment la prophétie pourrait se réaliser. Heureusement, il leur restait certainement des dizaines d'années avant que le Fluide ne se raréfie vraiment, s'il devait se raréfier. Seulement, cette pensée la mettait horriblement mal à l'aise, les paroles de Mme Chauvin, son ancienne directrice, raisonnant encore à ses oreilles :

« L'Ecosse est la terre de la magie. C'est donc là que le Fluide s'exprime le mieux. Pour apprendre, c'est nettement plus facile surtout maintenant qu'il se fait si rare. »

Parfois Isaline tentait d'oublier et elle se plongeait dans l'organisation de la soirée d'Halloween et dans ses études. Elle passait des heures à parcourir les différents livres de la bibliothèque y découvrant des nouveaux sorts. Elle voulait toujours en savoir plus. Elle découvrit ainsi qu'on pouvait repeindre un mur sans nouvelle peinture, mélanger les mots dans la bouche d'une personne, ou plus sérieusement recréer d'anciens vaccins abandonnés depuis longtemps avec une seule goutte du sang du malade, mais aussi communiquer avec d'autres par miroirs interposés. En fait, depuis qu'elle avait découvert le Vitaacies sur les murs de l'école et comprit qu'elle pouvait y arriver, elle brûlait d'envie de tout essayer. Et dès qu'elle le pouvait, elle se plongeait dans l'apprentissage. Les jours passaient et elle parvenait à agrandir toujours un peu plus son sortilège. Miss Spott l'accompagnait systématiquement, l'encourageait, la soutenait chaque jour. Isaline ne comprenait pas vraiment pourquoi elle faisait ça mais, séance après séance, elle appréciait un peu plus la petite concierge. En revanche, elle n'avait plus adressé la parole à Evan. Elle n'avait toujours pas digéré la façon dont il l'avait plantée, la prenant pour une parfaite imbécile.

Le vendredi matin précédant les vacances d'automne, Isaline attendait Lucie pour descendre prendre leur petit déjeuner. Elles étaient les dernières dans la chambre. Fidèle à elle-même, Calliope s'était levée à l'aube et devait déjà parcourir la campagne en compagnie de Evan. Tous les matins, ils allaient courir une heure avant le repas, par tous les temps. Et, si elle enviait leur volonté, Isaline n'en ressentait pas moins de l'agacement. De toute façon, tout ce que faisait le Doyen l'agaçait. Lui et ses grands airs de Je-suis-le-sauveur-du-monde l'énervait au plus haut point. Pour un peu elle imaginerait qu'il ne faisait ça que pour se venger des Internes. Il ne supportait pas les cloches et ses habitants et devait certainement rêver de les voir anéantis. Aussi, il était bien capable de monter la tête d'Isaline avec de fausse prophétie et des propos alarmistes. Après tout, il aurait pu tout inventer du texte de la fresque puisqu'elle ne connaissait pas un traitre mot de grec.

Elle ruminait ainsi, assise sur son lit alors que Lucie était encore sous la douche, quand elle vit un journal plié sur le bureau de Calliope.

« Plutôt que de ressasser, autant passer le temps en lisant », se dit Isaline tout en se levant pour attraper le quotidien.

Descendance d'IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant