Heureuses Circonstances

CHAPITRE 15

SEAN

7 août 2019

Mon corps frissonne alors que les doigts de Conrad vont et viennent le long de ma colonne vertébrale. De temps à autre, ils s'égarent sur mes reins avant de reprendre leur chemin. Je me sens bien. Je suis calme et apaisé. Ma tête repose sur mes bras, eux même posés sur l'oreiller. L'odeur de mon amant m'entoure et je m'y laisse glisser avec délice.

Ça fait quelques semaines maintenant que notre marché a été fait et je n'arrive pas à regretter notre décision. Chaque fois que je finis dans ses bras, je ne peux pas la regretter. C'est parfois sauvage et sensuel, parfois doux et lascif. Mais toujours tellement bon. Son corps contre le mien ne cesse de me faire un effet de dingue.

La journée, Hugo continue de remplir mes pensées, d'être là à chaque moment mais, dès que je croise les orbes de Conrad, il n'y a plus que lui et moi. Et ce désir qui nous consume. On a fait quelques sorties ensemble dans le centre-ville et je passe quelques après-midi à la librairie mais ça nous ramène toujours à sa chambre et à son lit.

Je bouge lentement, m'installe sur le flanc pour lui faire face et lui souris. Il répond à mon sourire et ses doigts abandonnent mon dos au profit de mon ventre. Ils y dessinent des arabesques, tournant autour de mon nombril et arpentant ma peau, de mon torse à mon bas-ventre.

D'un geste délicat, je viens ramener la mèche qui tombe sur son front en arrière. Après ce moment incroyable, nous reprenons pied tous les deux dans la réalité. Et je n'ai pas envie de quitter son appartement même s'il n'est que seize heures. À mon geste, il ferme les yeux et je prodigue quelques caresses sur son crâne. Je suis certain que s'il pouvait ronronner, il le ferait. Ma main descend sur sa joue puis continue son chemin jusqu'à atterrir sur son flanc pour retracer sa cicatrice.

Même si je n'ai jamais posé de question la concernant, j'ai toujours été curieux. Comment quelqu'un comme lui, si doux et si altruiste, a-t-il pu finir avec une blessure pareille ? Qui a osé poser la main sur lui pour le marquer ainsi à jamais ? Je le sens se tendre sous mes doigts et je l'abandonne.

- Tu veux savoir ce qui s'est passé, n'est-ce pas ?

Même si c'est une question, cela sonne surtout comme une affirmation. Il sait que je réprime mes questions même si je meurs d'envie de les lui poser. Est-ce qu'aujourd'hui est le jour où je vais enfin en savoir plus sur lui ?

- Demandes-le-moi et je te répondrai.

Son regard accroche le mien et je ne peux plus le quitter des yeux. Je n'y vois pas de douleur ni de tristesse. A-t-il surmonté cet épisode ou est-ce ma présence qui l'apaise ? Est-ce que je fais bien de le questionner ?

- Comment as-tu eu cette blessure, Conrad ?

Il passe sa langue sur ses lèvres pour les humecter, semblant réfléchir à comment aborder le sujet. De but en blanc ou d'une façon à me préserver ? De façon détaillée ou survolée ?

- J'ai subi une agression homophobe quand j'avais vingt-et-un ans.

Il reprend son souffle après la bombe qu'il vient de lâcher et je ne prononce pas un mot. Je ne veux pas le couper dans son élan. Je veux savoir ce qu'il s'est passé.

- J'étais dans un club avec Noah, quelques amis et Maxime. Il était mon petit-ami à cette époque. Ce n'était pas un endroit gay-friendly mais nous nous fichions du regard des autres. On se sentait invincible et on croyait en un monde ouvert. Un monde où aimer quelqu'un ne vous mettez pas une cible dans le dos.