Heureuses Circonstances

CHAPITRE 28

SEAN

Si personne ne me dit où il se trouve, je vais devenir dingue. Il a beau m'avoir répondu qu'il allait bien, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Depuis deux semaines, mon emploi du temps ne m'a pas permis de passer à la librairie pour voir s'il y était et ça me rend fou.

Peu importe le nombre de fois où je suis passé chez lui, il n'a jamais répondu. Il doit être chez Noah mais je ne peux pas aller vérifier, il ne me laisserait pas entrer. Jessie et lui ont beau me répéter de lâcher l'affaire, que c'est trop tard, je ne peux m'y résoudre.

Ils ne savent pas ce qui nous lie. Et même si j'ai brisé ce lien, je sais qu'il continue de nous relier et qu'il suffit de le ranimer. Je suis certain de pouvoir ramener Conrad à mes côtés, il faut simplement que je le vois !

Mon collègue vient m'indiquer qu'il est là pour me remplacer et je ne prends que le temps de saisir mon sac avant de quitter le magasin en vitesse. Aujourd'hui, c'est le bon jour, je peux aller le voir. Aussi vite que je peux, je remonte la rue Sainte-Catherine pour rejoindre les petites rues qui me mènent à la librairie.

Quinze minutes plus tard, c'est essoufflé que j'en franchis le seuil. J'ai beau regarder partout, je ne le vois pas. La tristesse me retombe sur les épaules alors que je sais que j'ai raté ma chance. Il doit être de repos.

- Tu dois être Sean.

Je me redresse brusquement, me retrouvant nez-à-nez avec le patron.

- Comment vous...

- Conrad m'a prévenu que tu risquais de passer.

- Où est-il ?

Je le vois froncer les sourcils et l'inquiétude me submerge. Lui est-il arrivé quelque chose et personne ne m'a prévenu ? Je tuerai Noah si c'était le cas.

- Tu n'es pas au courant ? Conrad a posé des congés, il est en Amérique pour un mois.

Amérique. Un mois. C'est une blague ? Pourquoi personne ne m'a rien dit ?! Il va bien mais il est loin de moi. Là-bas, je ne peux pas le rejoindre. Avait-il vraiment besoin de me fuir aussi loin ?

- Il m'a dit de te donner ça quand tu viendrais.

Quand et pas si. Il savait que j'allais venir le chercher. Je regarde ce que Lucien me tend et j'aperçois une lettre entre ses mains. Tremblant, je l'attrape. Je la lirai plus tard, quand je serai seul. Il m'adresse un sourire et désigne les rayons.

- Tu as besoin d'autres choses ?

Ce mec me connait déjà si bien. Conrad a du le briffer avant son départ.

♦

J'ai beau avoir récupéré cette lettre depuis plusieurs jours, je ne l'ai pas ouverte. Je n'arrive pas à le faire. Que me dit-il dedans ? Je suis trop effrayé pour le savoir. Chaque soir, je l'observe reposer sur ma table de nuit avant d'éteindre la lumière.

Ce que j'ignore ne peut pas me faire de mal. Je la lirai, un jour. Mais pas maintenant, j'ai trop peur.

- Sean !

Je soupire et abandonne mon lit pour rejoindre le salon où Arthur regarde la télé.

- Arrête de broyer du noir et regarde ce film avec moi.

- Je n'ai pas envie...

- Tu ne vas pas encore t'enfermer dans ta chambre ! Faire l'ermite ne le fera pas rentrer plus vite.

- Ta gueule...

Il ricane, fier d'avoir raison et je me glisse à ses côtés. Je ne suis pas l'intrigue du film, me contentant de voir les images défiler alors que mes pensées sont ailleurs. Est-il heureux, là-bas ? A-t-il trouvé quelqu'un pour me remplacer ? Je ne sais pas ce que j'ai envie de croire.