CHAPITRE 34

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CONRAD

Je m'engage sur le parking du Il Ristorante, rejoins une place libre et me gare. À mes côtés, Sean est silencieux. Il n'a pas prononcé un mot depuis qu'il est monté en voiture. Je n'arrive pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose. Ma main se pose sur sa cuisse, attirant son attention. Je le vois observer un moment le contact entre nos corps avant de plonger son regard incertain dans le mien.

- Tu viens ?

Il hoche la tête et je récupère ma main avant de quitter mon véhicule. Sean m'imite et nous rejoignons l'entrée du restaurant. Son restaurant préféré. C'est mesquin mais je sais que ça me fait marquer des points. Il ne risquera pas une esclandre ici, j'en suis certain. La porte passée, j'indique ma réservation au responsable de salle, sous le regard étonné de mon ancien amant.

Notre table est parfaite. Légèrement à l'écart, nous nous faisons face sur une table pour deux. Une petite bougie y est allumée et elle semble captiver l'attention de Sean. Un serveur vient nous apporter les cartes et nous n'échangeons pas un mot jusqu'à ce que la commande soit passée. Maintenant que nous n'allons plus vraiment être interrompu, nous allons pouvoir discuter.

- Tu avais réservé.

- En effet.

- Et si je n'étais pas venu ?

- Je n'y ai pas songé.

Il m'observe un moment, incrédule, avant de porter son bellini à ses lèvres. À chacune de nos venues, il prend toujours le même cocktail et moi, j'en profite toujours pour l'admirer. Il n'a pas beaucoup changer depuis mon départ, mise à part ce petit éclat qui semble avoir déserté son regard.

- Pourquoi me faire venir ici ?

- Pour que l'on puisse discuter.

- On aurait pu le faire dans ma chambre.

- J'avais envie de venir ici. Avec toi. Cela te dérange ?

Il semble hésiter un moment avant de répondre.

- Je ne souhaite pas que tu me brises le coeur dans le restaurant que je préfère.

- Ce n'est pas mon but.

- Nous verrons bien...

Il ne semble pas convaincu par mes paroles et je sais qu'il a raison de ne pas l'être. Rien ne peut prédire l'issus de cette soirée. Nous avons nos souhaits et nos aspirations, nous allons bien voir s'ils sont compatibles.

- Je souhaitais parler avec toi, à coeur ouvert. Quand je suis rentré d'Amérique, j'avais accumulé de la fatigue, de l'énervement et te revoir... C'était un cocktail pas forcément bénéfique. Depuis, j'ai pu me reposer, mettre les choses à plat et je crois qu'il est temps que nous parlions.

- Je ne pouvais pas ne pas venir. C'était le lieu où je devais être pour que mes paroles aient plus de poids. Si je n'avais pas été là, tu n'aurais pas cherché plus loin.

- Probablement. Et je ne te le reproche pas. Je dis juste que ce n'était ni le moment, ni le lieu adéquat. J'espère qu'ici et maintenant, ce sera bon.

- Je l'espère aussi.

Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors qu'il se détend vaguement. Ses épaules sont moins crispés et ses dents, moins serrées. Ma main se pose sur un côté de la table, paume vers le haut, et la sienne vient naturellement s'y glisser. Mon pouce entreprend de douces caresses alors que je prends la parole.

- J'ai parlé avec Noah. Beaucoup. On a crié aussi, souvent. Il m'a rapporté ce que vous avez pu vous dire. Ce que tu as pu avancer pour qu'il finisse par te croire. Il m'a raconté comment tu l'avais convaincu de venir m'accueillir avec lui. Je l'admets sans vergogne, je ne voulais pas le croire. Je me suis énervé contre lui pour s'être fait berner comme un con. Je n'avais aucune envie de te voir à mon retour, patientant comme si tu ne m'avais pas brisé le coeur.

Heureuses CirconstancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant