CHAPITRE 30

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SEAN

Mon verre rejoint le comptoir alors que mon esprit est déjà parti bien loin. Pas un jour n'est passé depuis que j'ai lu cette lettre où je n'y ai pas songé. Les mots de Conrad hante mon esprit, me rappelant un peu plus à chaque fois quel connard j'ai pu être. Je me répugne et rêve de remonter le temps. Mais, évidemment, c'est un désir qui est vain. Que fait-il, aux Etats-Unis ? Comment va-t'il ? Personne ne me dit rien. Après tout, j'ai bien compris que je ne le méritais pas.

Je ne supporte même plus d'être chez moi. Arthur se retrouve le cul entre deux chaises mais j'ai l'impression qu'il m'en veut. Après tout, je suis celui qui a merdé. Il est normal qu'il ne m'ait rien dit plus tôt mais j'aurais aimé une mise en garde. Après tout, il est mon ami. L'ai-je perdu comme j'ai perdu Conrad ?

Une nouvelle gorgée pour chercher à dissiper mes pensées. L'alcool n'est jamais la solution mais à presque minuit, il y a peu d'endroit ouvert pour ne pas rentrer chez soi. Des rires me parviennent et me donnent envie de pleurer. Je donnerai tout ce que j'ai pour entendre à nouveau le sien. De l'autre bout du bar, une jeune femme me lance des oeillades mais je l'ignore. Elle n'est pas du tout mon genre. Elle ne le sera jamais.

Le siège à côté de moi racle le sol et j'entends quelqu'un se laisser tomber dessus mais je ne m'en formalise pas. Je n'ai aucune envie de faire la causette.

- Déprime ponctuelle ou alcoolique notoire ?

Est-ce à moi que ces mots sont adressés ? Un sourcil levé, je tourne mon visage pour découvrir leur origine et tombe dans le regard pétillant d'une jeune femme rousse.

- Oui, c'est à vous que je parle.

C'est une blague. Cette femme est une blague. Pourtant, son expression n'affiche aucun mépris. Au contraire, elle semble amusée et cela me détend. Un soupir m'échappe, ce qui lui tire un rire.

- Vous traitez souvent des inconnus d'alcooliques ?

- Seulement quand ils ont l'air au bord du suicide.

- Et si c'était le cas ?

- Je suis là pour vous en empêcher.

Elle me dit ça comme une évidence avant que son rire ne me parvienne aux oreilles. Sa main se présente à moi.

- Je m'appelle Emmy.

- Sean.

Je serre sa main avant de retourner à la contemplation de mon verre.

- Alors, Sean, que vous arrive-t-il donc pour sembler ainsi au bord du gouffre ?

- C'est une longue histoire.

Je l'observe du coin de l'oeil alors qu'elle se dandine pour trouver une position plus confortable.

- C'est parfait. Je suis insomniaque alors j'ai toute la nuit. Par où commence l'histoire ?

Un rire sardonique m'échappe alors que j'attrape le récipient face à moi.

- Je n'ai pas envie d'en parler.

- En général, personne n'en a envie. Pourtant, je vous assure que ça vous fera du bien.

Je me tourne alors vers elle, cherchant à la sonder, mais son sourire est l'unique chose que je perçois. Elle ne semble pas méchante et je me demande ce qu'elle peut faire ici, à me tenir compagnie.

- Parler à un inconnu est d'autant plus facile et j'aurais le recul nécéssaire pour vous aider.

- Qui dit que j'ai besoin de votre aide ?

Heureuses CirconstancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant