CHAPITRE 29

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CONRAD

La vie que je mène à New York me semble si simple que je n'ai pas envie de repartir. Même si je sais aussi qu'elle n'est qu'un leurre. Je n'y travaille pas, je ne fais que m'y balader. De toute façon, mes amis et ma famille me manqueraient bien trop rapidement. Comme mon boulot. Ce qui est déjà le cas, je ne peux pas le feindre.

Il ne me reste plus que dix jours sur le territoire américain et pourtant, il me reste les principales choses à faire. J'ai sciemment évité Brooklyn, le cimetière où je voulais tant me rendre et le One World Trade Center. Même si on voit cette tour de quasiment partout, je ne m'en suis pas approché pour le moment.

Je crois qu'aujourd'hui et le jour où je vais enfin affronter mon passé. Je vais prendre chaque point de la liste que je me passe en boucle et les clore, les uns après les autres. C'est plein d'une grande détermination que je quitte mon hôtel pour rejoindre la rue déjà pleine alors qu'il n'est que neuf heures. Je hèle un taxi et, une fois installé sur la banquette arrière, je lui donne la destination. Il enclenche le compteur et nous rejoignons la circulation new-yorkaise.

C'est presque deux heures plus tard, qu'il me dépose devant l'adresse quémandée. Foutus bouchons ! Après avoir réglé l'addition et laissé un généreux pourboire, je quitte le véhicule et regarde les deux grands drapeaux américains qui flottent au vent, encadrant l'entrée.

Premier arrêt : le cimetière national de Calverton.

Après avoir arpenter les allées du lieu jusqu'à trouver la sépulture que je souhaite, je m'assoie en tailleur dans l'herbe. D'une main, je nettoie grossièrement la plaque et un léger sourire flotte sur mes lèvres.

CHARLIE HOGAN

15 JUIN 1977-28 JUIN 2001

- Ça me fait plaisir de te voir, Charlie.

Depuis que l'on vient ici, on lui parle. Ça ne m'a jamais semblé étrange, bien au contraire. J'ai souvent tant de choses à lui raconter, sur la France, sur ma vie. J'ai passé un âge qu'il n'aura jamais et j'aime lui décrire ce que je peux ressentir en vieillissant. Certains peuvent penser que c'est idiot mais mes parents m'ont toujours encouragés à le faire. Lors de nos visites, chacun prenait le temps de lui parler longuement.

- Je suis tout seul, aujourd'hui. Papa et Maman sont encore à Bordeaux. Mais j'avais besoin de venir à New York et de venir te voir. Je sais, j'ai un peu traîner la patte mais ce n'était plus aussi facile une fois ici. Et ça fait une trotte de Manhattan pour venir te voir !

Un léger rire m'échappe alors que je m'installe un peu plus confortablement. Venir sur sa tombe ne m'a jamais rendu triste. Au contraire, j'ai toujours été content d'y venir. Comme si je retrouvais un petit bout de lui qui était toujours présent. Mes doigts se saisissent de la chaine sous mon tee-shirt pour la sortir et la reposer sur le tissu.

- Je ne l'ai toujours pas retiré. Je crois même que je ne le ferai jamais. Je ne suis plus aussi triste qu'avant mais je suis incapable de t'oublier. Tu es et tu resteras toujours mon grand-frère. Et même loin de toi, j'entends ton coeur qui bat. Alors, écoutes bien, Charlie, tu entendras le mien qui bat pour toi.

Ma main passe dans mes cheveux pour les ramener en arrière et je laisse mon regard dériver tout autour de nous. Plusieurs personnes se pressent entre les stèles, d'autres sont installés comme moi et parlent. Une aura étrange plane sur ce lieu mais elle ne m'a jamais dérangé. Au contraire, j'y suis bien.

Heureuses CirconstancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant