CHAPITRE 14

2.4K 255 90
                                    


CONRAD

Comme la fois précédente je sais que sa place est froide avant même d'ouvrir les yeux. Mon poing se ferme est frappe son oreiller, la déception m'envahit. Pourquoi est-elle là, cette vipère ? Il n'y a aucune raison que je sois déçu. C'est le marché. De la baise et c'est tout. Pas de petit sourire au réveil, pas de petit-déjeuner en couple. Parce que c'est bien ça, le truc : nous ne sommes pas un couple. Nous ne le serrons pas.

Ma vie n'est pas une série télévisée, mon plan cul ne deviendra pas mon mec. La frontière ne sera pas franchit et je vais juste me retrouver avec mon cœur à mes pieds. Je l'ai senti, le coup de cœur monter pendant qu'on buvait nos bières. Je l'ai senti entrer dans ma poitrine et s'y faire une petite place. Et maintenant ? Je me retrouve dans un rôle que je ne souhaitais pas.

Mon bras posé sur mes yeux, je réfrène les larmes qui veulent dévaler mes joues. Mon frère m'a toujours dit qu'un homme avait le droit de pleurer, que ce n'était pas une marque de faiblesse. Mais depuis son enterrement, je n'arrive plus à verser une larme. Je m'empêche toujours de le faire. Parce que rien d'autres n'atteint le niveau de douleur que m'a provoqué sa mort.

Je passe ma main sur mon visage avant de quitter mon lit, rejoignant ma cuisine au radar. Là, sur l'ilot, sous une tasse avec un fond de café, se trouve un mot. Surpris, il me faut un moment pour me remettre de mes émotions et je m'en saisis pour le parcourir.

« Rêve, je ne suis pas parti te chercher des croissants comme un parfait petit-ami. Je suis parti bossé donc j'ai utilisé ta douche et je t'ai piqué des fringues.

À la prochaine, Conrad.

Sean »

C'est tout ? Il me pique mes fringues et se barre. Je soupire, relisant le message plusieurs fois avant de retourner la page dans tous les sens, comme si je voulais en trouver d'autres. Quelques mots sont inscrits au dos ainsi qu'un numéro de téléphone.

« Appelles-moi si tu veux les récupérer. »

Un sourire stupide nait sur mes lèvres et je n'arrive pas à l'effacer. Il m'a laissé son numéro. Il veut que l'on se revoie. C'est une bonne chose, non ? Même si c'est pour se lancer dans le marché de façon plus pratique. Il n'allait quand même pas venir me chercher à la librairie les soirs où il aurait envie de s'envoyer en l'air. Hors de question. Avec ça, ce sera plus simple et l'on pourra se voir pour d'autres occasions. Du moins, je l'espère et je le redoute.

J'attrape mon téléphone qui traîne un peu plus loin sur le meuble et enregistre son numéro dans mon répertoire. Mais ce n'est pas son nom que j'y associe. Juste l'émoticône d'un renard. Ça lui convient bien. Roux, fin et rusé. Ce doit être son animal totem. Je m'apprête à le reposer quand mon regard se repose sur sa phrase. Si tu veux les récupérer. C'est le prétexte parfait. Je tape alors ma réponse en vitesse avant de l'envoyer.

« Ils ont intérêt à retrouver le chemin de mon placard, en étant propre, tout seul.

Conrad »

Oui, c'est bien. Pas trop familier mais pas trop amicale. Du moins, c'est ce que j'espère. Je soupire et passe une main dans mes cheveux. Dans quel merdier est-ce que je suis allé me fourrer ?

Ce n'est pas bien. Pas bien du tout ! J'ai délaissé les arrivées à trier et organiser au profit de mon téléphone. Pour discuter. Avec Sean. Toute la journée. Je ne suis pourtant plus un adolescent devant son crush, merde ! Pourtant, à chaque fois que j'ai senti mon téléphone vibrer dans ma poche arrière, je ne pouvais m'empêcher de lire le message. Et d'y répondre. Quand je l'ai passé en silencieux pour me concentrer sur mon boulot, c'était encore pire. Je le sortais de ma poche toutes les cinq secondes pour savoir s'il m'avait répondu.

Heureuses CirconstancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant