Chapitre 14

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Lyssandre plissa les yeux avant d'être bien certain d'avoir identifié le liquide qui poissait ses doigts. Une précaution que Cassien n'avait pas prise. Il avait reconnu le sang au premier coup d'œil.

— Majesté, est-ce que vous vous sentez bien ?

— Je...

Par réflexe, et parce que la question ne lui était pas souvent posée, Lyssandre avait failli affirmer qu'il se portait comme un charme. L'alcool l'avait en fait empêcher d'identifier au plus vite son malaise. Il fronça les sourcils. La main qu'il avait présentée devant lui se brouillait, à moins qu'elle ne soit saisie d'un irrépressible tremblement.

Le roi n'était plus sûr de rien.

À mesure que s'estompaient ses pensées, ses certitudes reculaient. Il recula d'un pas et se retient contre la toile d'une tente.

— C-Ce n'est rien. Juste un peu de sang. Je saigne du nez, chevalier, rien de plus.

Il se garda de préciser qu'un soldat avait eu en voir d'autres. Il lui restait une once de lucidité suffisante pour ne pas se montrer indélicat.

— Ce n'est pas la question que je vous ai posée, déplora Cassien.

— Au moins, vous n'êtes plus en colère contre moi.

Le chevalier ne sut jamais ce qui le retint de gifler cet homme. Sa faiblesse, son ivresse, ou encore sa propre inquiétude. Le sourire que Lyssandre afficha paraissait bien pâle et l'autre empoigna le col de sa toilette. Il stabilisa son équilibre chancelant et répéta, en détachant chaque syllabe :

— Comment vous sentez-vous, Lyssandre ?

— M-Mal, je suppose.

Lyssandre émit un petit rire, comme si ce constat était drôle. En un sens, il l'était, car il s'était habitué à se sentir mal depuis des semaines, peut-être même davantage. Personne ne s'en était inquiété, personne ne lui avait même demandé s'il se portait bien. Il était curieux qu'une blessure physique, qu'une répercussion visible soit nécessaire pour qu'enfin quelqu'un s'inquiète de son état.

— Voilà longtemps maintenant, chevalier.

Au point où il n'était plus bien sûr de se souvenir ce que cela faisait d'aller bien.

Les doigts de Cassien se desserrèrent et libérèrent le roi de son entrave. Il paraissait éprouvé. L'effroi gagnait du terrain, Lyssandre devinait son parcours dans les yeux de l'ancien soldat. S'il n'avait pas été ivre, il aurait eu honte de se plaindre, de parler de malheur alors qu'il avait grandi dans l'opulence, loin de la nécessité et des sacrifices. Il eut soudain envie de se confier, comme Cassien l'avait fait une petite semaine plus tôt, et mettre des mots sur ce qu'il ressentait.

Sur une sensibilité déraisonnable, sur une faiblesse qui l'écœurait, sur les fils de ses émotions qu'il était las de dénouer.

Lyssandre soupira. Ses jambes semblaient vouloir se dérober sous son poids et il oscillait entre une chaleur insoutenable et une extrême froidure. Un frisson parcourut ses bras et il se résolut à avouer :

— Je... Je me sens étrangement faible. J'ai chaud et froid à la fois, et mes jambes refusent de me soutenir.

Une quinte de toux l'empêcha de poursuivre et il se tordit en deux. Une douleur aiguë traversa son estomac et, cette fois, la lassitude céda sa place à une peur terrible. Une peur qui valait sans doute celle de Cassien. Celui-ci réagit au quart de tour. Il attrapa le visage de Lyssandre et étudia ses traits avec soin. Il ne manqua pas de remarquer son teint blême, sa peau recouverte d'une mince pellicule de sueur, ses lèvres qui se voilaient de sang, et, par-dessus tout, les sclérotiques jaunes.

Longue vie au roi - T2 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant