Chapitre 44

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Lyssandre ne sentit pas l'instant où ses genoux heurtèrent le sol et où il s'effondra. La douleur explosa comme une bulle de savon, comme un cri trop longtemps retenu. Elle éclata, aiguë, vertigineuse, insoutenable, en plein visage.

La méduse l'atteignit à hauteur du cou, de l'épaule, peut-être du visage. Lyssandre ne savait pas exactement. La douleur se répandait à une vitesse folle alors que le venin de la méduse imbibait le fin vêtement du roi. Sans cela, il aurait perdu connaissance.

La souffrance que lui infligèrent les mille piqûres successives annihilèrent la cohérence de ses gestes, la logique de ses paroles. Il fut réduit à un amas de chairs à vif, nues, exposées au regard comme si la peau avait été méticuleusement arrachée par lambeaux. Lyssandre réalisa à quel point le genre humain pouvait être dépendant de la douleur, à quel point elle dominait et qu'il en serait toujours ainsi.

Entre ses griffes, l'homme redevenait un animal, se rappelait à son origine la plus primaire.

Ce qui se déroula autour de lui ne lui parvint qu'à travers un voile opaque. Alors qu'il rampait au sol, aussi lamentable qu'une loque, la bouche ouverte sur un cri ne s'arrêtait plus, il ressentit la main de Cassien sur son épaule intacte. Il hurla de plus belle, comme si la douleur pouvait se transférer d'un endroit à un autre.

Comme si son corps tout entier se consumait.

Les secondes s'écoulèrent. Aux yeux de Lyssandre, elles se confondirent avec des heures. Il se transformait en brasier, les membres léchés par les flammes au point où il oublia quelle zone de son corps avait été visé.

Soudain, il cessa de crier. Un hoquet s'échappa d'entre ses lèvres ouvertes et une écume s'y déposait. Il avait traversé la première vague de douleur et il parvint à mobiliser ses forces pour se redresser juste assez pour porter une main à son épaule. Il ne sentait plus la peau et il la devina méconnaissable, détruite sous ses doigts. Il fut incapable de se résoudre à jeter un œil et Cassien entrava sa main.

— Ne touchez pas avec vos doigts.

Lyssandre émit un râle et se cogna la tête contre le sol. Les dents serrées, il encaissa le choc qu'il avait lui-même entraîné.

Cassien fit appel à tout son sang-froid. Si sa respiration bruyante ne laissait pas suggérer un soupçon de peur, on aurait pu l'accuser d'indifférence, sinon du désintérêt le plus total. Il immobilisa le roi et extirpa un mouchoir d'une de ses poches avant de l'appliquer directement sur la blessure. Lyssandre crut s'évanouir. Un vertige le saisit et sa vision, déjà réduite à travers le voile de la douleur, ne fut bientôt qu'une mince embrasure.

— Mon roi...

Un commentaire parvint aux oreilles de celui-ci, mais il n'en comprit pas le sens. Marwan se trouvait non loin et, par miracle, il respirait toujours. Il ne le devait qu'au sens des propriétés dont Cassien était doté et son regard s'assombrit à la remarque du seigneur. Il troqua le mouchoir pour l'un de ses multiples poignards et approcha l'impudent, incapable de tenir sa langue même bien après que la situation lui ait échappé pour de bon.

Il lui restait une troisième victime à dépecer et s'il ne s'en réjouissait pas, le souci du travail bien fait le tenaillait.

— N-Non... le retint Lyssandre. Épar... Épargnez sa vie, je vous en... prie.

La diction laborieuse se perdit dans une inspiration sifflante. Celle-ci alerta Cassien qui adressa à peine plus qu'un regard suintant le mépris au jeune homme. Plutôt que de poursuivre sur cette voie, il détala sans demander son reste et disparut dans l'ombre de la place.

Longue vie au roi - T2 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant