Chapitre 17

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[À nouveau un dessin de Nausicaa, dont je ne suis pas très satisfaite puisqu'elle ne correspond pas à l'idée que je me fais d'elle.]


Lyssandre avait longé un bois, à quelques dizaines de kilomètres d'Halev. Il avait d'abord songé à s'y rendre, mais l'un des soldats qui l'accompagnait, lui et le haut-conseiller qui ne demandait qu'à regagner le confort du palais, l'en avait dissuadé.

— Il vaudrait mieux privilégier un lieu moins fréquenté. Il en va de votre sûreté.

Lyssandre n'avait pas relevé le sens de ces paroles, mais le ton employé. Un ton cruellement impersonnel qui, en un sens, n'était pas si différent de celui emprunté par Cassien. Ces soldat banal, dévoué, ne ressemblait en rien au chevalier et n'avait de cesse de lui rappeler son absence. Il était trop petit, trop robuste, avec un air un peu simplet plaqué sur ses traits quelconques. Un leurre, car Cassien avait pris soin de choisir les plus fines lames pour escorter le roi.

Lyssandre n'avait pas rechigné. De toute manière, la décision avait été prise et, avec ou sans son accord, ils séjourneraient à l'écart de l'agitation de la capitale. En un sens, le roi en était soulagé. Halev serait à jamais associée aux drames qui s'y étaient déroulées.

Ils avaient chevauché jusqu'au coucher du soleil, jusqu'à ce que les muscles de Lyssandre demandent grâce et jusqu'à ce que les rênes coulent entre ses doigts. Le haut-conseiller s'était risqué à réclamer un arrêt jusqu'au lendemain, avant de négocier une heure de retour contre du repos jusqu'à l'aube, mais sans succès. La réponse demeurait la même :

— Navré, monsieur, mais nous avons des ordres et nous sommes attendus dans un endroit où ces hommes ne retrouveront pas notre trace.

— Allons, vous êtes chargés de la sécurité du roi, mes braves. Votre roi est aussi perclus de douleurs que je le suis. Si son bien-être vous est si cher, pourquoi ne pas reprendre notre route demain. Nous n'atteindrons pas le château ce soir.

— Ce n'est pas de son bien-être dont il est question, mais de sa vie.

— Qui vous a donné ces ordres ? demanda Lyssandre, sans se confondre en geignements et en supplications.

— Le chevalier, Majesté.

Une fois de plus, l'opinion du roi n'était pas requise.

Lyssandre déglutit. Il était encore faible et le médecin aurait sans doute refusé qu'il se déplace dans un tel état si Cassien n'avait pas fait part de ses doutes au sujet de la sécurité du campement. Un lieu quasi officiel et isolé était idéal pour tendre une embuscade. Il ne restait plus qu'à implorer les cieux pour qu'Amaury les ait sous-estimés, comme Lyssandre l'avait supposé. Ainsi, il n'aurait pas eu à fuir Arkal en vain.

— Et à qui obéissez-vous ? À votre roi ou à cet homme ?

Lyssandre ne leur laissa pas le loisir de poursuivre. Une migraine persistante frappait à la surface de sa conscience et il n'était pas question que des bavardages aussi futiles ne rendent cette fuite plus pénible encore.

— Je me plie aux recommandations de mon chevalier et de celles des soldats de la Couronne.

Le haut-conseiller se mura dans un silence digne et Lyssandre put se perdre dans ses pensées. Il s'efforça surtout de ne pas songer aux vertiges qui le saisissaient, au soleil qui brûlait sa peau, à sa langue qui collait à son palais, autant à cause de la chaleur de plus en plus rude qu'en raison du poison qui avait laissé quelques traces. Sa vision se brouillait aussi, bien que ses sclérotiques eussent retrouvé leur apparence originale. Plus d'une fois, il faillit demander aux soldats de s'arrêter, d'adhérer à la demande du haut-conseiller, et qu'importait que son motif tienne de l'égoïsme.

Longue vie au roi - T2 [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant