Love Bombing

08. Panique à bord

"Il y avait un garçon
Un garçon très étrange, comme envoûté
On dit qu'il a vagabondé très loin
Très loin Sur terre et en mer"

- Nature boy, Nat King Cole (parolier)

Chez Willey Graham. 20h45.

Il n'aurait jamais imaginé qu'Abram Calton lui demanderait d'aller directement chercher de quoi se relaxer à l'instant même où ils auraient franchis le seuil de la porte. Mais jamais Hermès n'avait eu autant de chance car à peine était-il arrivé à cette fête qu'il avait déjà eu les réponses à toutes ses questions en surprenant une conversation plus que chamboulante entre Willey Graham et Zara Dormine. Cependant, il était loin de se douter que cela ouvrirait une porte sur un profond tourment.

Le cœur d'Hermès tambourinait dans sa cage thoracique à une fréquence si folle que ses veines, quoique dissimulées sous son pull, contrastaient à présent avec son teint opalin. Son dos effleurait encore la porte en bois qu'il venait de refermer, ses mains tenant les deux bouteilles de bière étaient suspendues dans le vide le long de son corps. Il ne s'en était sans doute pas aperçu, étant en profonde remise en question de lui-même, mais le Messager était empreint de légers spasmes dus à la panique qui l'habitait.

Moi, m'en prendre à Willey Graham...? cogita-t-il intérieurement.

Et pour quelle raison au juste ? poursuivit-il tandis que son visage se froissait davantage, sous l'effet de l'incompréhension totale.

Zara Dormine..., souffla-t-il avec peine, à travers ses lèvres fendues par la sécheresse de son âme. Une sécheresse qui incarnait également l'existence de l'adolescent, dépourvue des douces chaleurs de la vie.

Elle fiche quoi avec Graham ? grommela-t-il pendant qu'une grosse goutte de sueur glissait lentement sur sa joue.

Sa mâchoire se crispa soudainement. Il pressentait qu'un danger le guettait, sans pour autant connaître d'où il proviendra. Mais une chose était claire, l'affaire Grenda Fallenson était loin d'être terminée. Au contraire, elle prenait une tournure qui lui déplaisait fortement.

Il voulait y mettre un terme. Hermès pensa réellement à balancer un énorme rocher sur le chemin que prenait cette affaire "irrésolue" car voilà que Zara Dormine avait monté un plan avec Willey Graham. Cet énorme rocher causerait des dégâts, certes, mais quitte à être au cœur d'une manigance il préfèrerait largement révéler à Fallenson, ainsi que tout le lycée, qu'Isaac McFray se tapait un sacré mec.

Hermès vint plaquer sa main droite tenant toujours la bière sur visage, avec une envie soudaine de libérer un rire qui se voulait amer. Un sourire indéchiffrable seulement connu de lui se forma derrière la petite bouteille verte transparente, à quelques millimètres de son visage. Et sans s'en rendre compte, c'est sur un ton sardonique, les yeux durement clos, qu'il lâcha presque dans un murmure :

« Qui l'aurait cru, ces deux mecs-là... », murmura le Messager.

C'était même sûr et certain. Révéler les aventures de ces deux adolescents au physique de rêve serait un choc tant pour le personnel du lycée que pour les élèves de ce stupide établissement parmi tant d'autres à travers les États-Unis. Hermès, lui aussi, avait été estomaqué lorsque dans ce coin caché des bois au nord-est de la ville, il les avait vu. Car malgré la fine parcelle de poussière qui parsemait cette fenêtre à moitié brisée, le brun avait clairement distingué les uniformes de l'équipe de baseball du lycée de Forks.