MATTÉOJe foule le sol de ce nouveau lycée et arpente nonchalamment les couloirs. Sur mon passage, des élèves me jettent des regards curieux que j'évite soigneusement, se demandant sûrement si je suis nouveau. Ma tête doit apparemment en impressionner plus d'un, car je vois quelques filles esquisser un sourire en me voyant. Pour le petit coin paumé dans lequel je me retrouve après mon déménagement, ce lycée est quand même assez grand. Ma grand-mère ne m'a pas prévenu que mon nouvel établissement disposait d'un grand stade et qu'il s'élevait sur plusieurs étages. Sacré budget dit donc.
Hier, une fille m'a fait visiter le lycée. D'une taille légèrement inférieure à la moyenne et plutôt mignonne, elle observait ce qui l'entoure comme si c'était la première fois. Elle s'appelle Sky, je crois. Je ne l'ai pas observé de la tête aux pieds, mais sa chevelure blonde a retenu mon attention, se balançant au fil du vent et brillant à la lueur du soleil, me faisant presque plisser les yeux à ses côtés. J'ai eu droit à un plan très détaillé et complet de la structure du bâtiment. Elle semblait d'ailleurs très motivée par son rôle de guide, au point d'essayer de m'enrôler dans un club. Et en plus d'être dotée d'une énergie intarissable, cette fille est aussi la même qui m'est rentrée dedans il y a trois jours de ça. Visiblement, mon surnom sur sa taille ne lui a pas plu. Je crois qu'elle ne m'apprécie pas beaucoup. Tant mieux. En même temps, pendant toute la visite, elle a essayé d'instaurer une discussion avec moi que j'ai ouvertement ignoré. Elle a l'air d'être le genre de personne qui fourre son nez dans les affaires des autres. Sauf que, malheureusement pour elle, je n'ai pas pour habitude de laisser les gens s'immiscer dans ma vie.
Quand je suis arrivé dans le bureau de la secrétaire pour la visite, je l'ai entendu pester contre moi à pleine voix. Elle m'a même qualifié de "beau gosseˮ, ce que j'ai trouvé assez amusant sur le moment, je l'admets. Elle ne sait visiblement pas tenir sa langue. À l'angle du couloir quand elle a hurlé ces mots, je suis entré dans le bureau directement après, voyant sa silhouette se ratatiner sur elle-même à mon "bonjourˮ. Elle a ensuite fait comme si de rien n'était, semblant me sonder pour vérifier que je n'avais rien entendu. J'ai gardé une expression impassible, piquant ainsi sa curiosité. Durant toute la visite, elle a essayé de se montrer agréable et chaleureuse, malgré mon air fermé et mes réponses monosyllabiques. Vu la vitesse à laquelle elle semble s'emporter, rester calme face à mon mutisme a dû être une réelle épreuve de force pour elle.
Les personnes comme elle sont à mes yeux les plus dangereuses. Toujours fourrées dans les histoires qui ne les concerne pas, à répandre leur joie de vivre au monde, comme si la vie n'était qu'un univers de bisounours. Je ne dois rien laisser transparaître. De toute manière, je n'ai rien à offrir. Tout restera enfoui au fond de moi. Les autres peuvent bien essayer de m'approcher s'ils le veulent, même cette fille, je ne cèderai pas. Ma résolution est prise. Les interactions sociales, c'est définitivement terminé pour moi.
Devant moi, un groupe de filles rigole à pleine voix, faisant résonner leurs rires dans ce couloir très fréquenté. Je me fraie tant bien que mal un chemin entre les élèves. L'une d'elles, prise d'un fou rire, se détache soudain des autres, reculant à petits pas jusqu'à me bousculer. Je me crispe. Ce contact brusque la fait sursauter, faisant ainsi tomber le cahier qu'elle tenait entre ses mains. Je soupire et me penche pour le ramasser, avant de le lui redonner, le tout sans décrocher un mot. Elle se retourne et, en me voyant, balbutie quelques excuses, les joues rougies par la gêne de m'être rentrée-dedans. Ses amies m'observent avec un regard à la fois curieux et carnassier, qui ne me dit rien qui vaille. J'acquiesce silencieusement et reprends ensuite mon chemin, comme si de rien n'était.
Une autre fille du même groupe s'avance alors dans ma direction, d'une démarche exagérément maladroite, tout en louchant consciemment de mon côté. En arrivant à ma hauteur, elle me percute exprès, laissant immédiatement tomber sa trousse, comme si rien de tout ça n'était prémédité. Je comprime le petit gémissement de douleur qui me prend à la gorge, à cause de son uppercut violent d'épaule à épaule, et fronce les sourcils. La fille en question feint une mine désolée, sans pour autant réprimer l'énorme sourire satisfait qui s'étire sur le coin de ses lèvres.
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L'ombre de nos vies
Teen FictionUne dernière année de lycée, le dernier virage avant l'université et tout pourrait bien changer. Sky est une fille pétillante et hyperactive. Dans quatre clubs différents, elle enchaîne les activités et les responsabilités depuis presque deux ans...