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  La salle est très grande, mais humide et assez sombre pour permettre à l'ambiance d'être oppressante. Les toiles d'araignées font partie du décor au plafond en bois et sont reliées à un gigantesque lustre en cristal poussiéreux, qui semble prêt à s'effondrer d'une minute à l'autre. Les arches du plafond sont d'ailleurs sculptées avec une élégance gothique et les fondations en marbre s'effritent au simple touché. Le lierre et toutes autres branches se sont emparés des colonnes et semblent prêts à les broyer. À y voir l'autel aux bougies en forme de chouette, les bancs et les sculptures de différentes croyances, j'ai l'impression d'être dans une ancienne église. Mais s'il n'y avait que ça, je trouverai tout ce décor superflu pour être normal. Parce que tu te doutes bien que l'ambiance pesante est accompagnée de choses qui rendent la salle plus effrayante qu'un film d'horreur ; des corps humains (ou plutôt des os) jonchent les bancs en marbre, quelques poupées en porcelaine aux membres cassées trainent un peu partout et des traces rouges de sang séchées sont éparpillées partout.

- Mais où est-ce que je suis encore tombée, moi ? dis-je tout haut en fronçant le nez à cause de l'odeur horrible des corps en décomposition.

  Ce sont de nombreux chuchotements autour de moi qui me répondent et je sais d'avance que ce sont ceux d'Esprits égarés qui ont besoin d'aide. Comme eux ne me voient probablement moins que moi, j'attrape une lanterne qui traine là et l'allume avec une flamme en la prenant par la hanse en argent. C'est là que les murmures s'intensifient et que des silhouettes passent rapidement devant moi. 

- Vous pouvez vous montrez, ce n'est pas la peine de rester cacher, dis-je en essayant d'être la plus rassurante possible.

  Un sanglot d'enfant parvient jusque dans mes oreilles, mais s'estompe aussi vite, me laissant remarquer qu'il y a une petite fille qui se cache derrière l'une des colonnes un peu plus loin. Je m'avance doucement, m'abaissant à son niveau. Ses cheveux roux sont courts et ébouriffés, sa peau calcinée par endroit et la robe grise qu'elle porte est abimée et coupée par endroit. Ce qui me donne un plus gros baume au cœur est son oeil coupé et la trace d'étranglement à son cou. Mais qu'est-ce qu'on lui a fait, à cette fillette !?

- Hey, lui dis-je, n'es pas peur, je ne te ferai rien. Je suis juste là pour me cacher, moi aussi, comme toi. (J'étire un sourire confiant.) Si tu veux, je peux t'aider. Il suffit juste que tu me donnes ta main.

  La fillette est d'abord apeurée, mais finit par me tendre sa petite main qui comporte plusieurs entailles. Je lui souris et elle fait de même, lorsqu'un craquement sonore du lustre se fait entendre. Il ne va pas falloir que je reste trop longtemps ici, mais ces Esprits ont besoin de moi. Je dois à tous prix les aider à passer de l'autre côté !

- Qui êtes-vous ?! Comment cela se fait-il que vous nous voyiez ?!  

  Je me relève et me tourne vers l'Esprit qui a dit ça. C'est un vieil homme à la moitié du visage inexistante, et où on voit du sang et des bouts de chair. J'ai l'envie de vomir en voyant ça, parce que c'est assez horrible, mais me retiens et remarque sans grande difficulté qu'il y une quarantaine d'autres Esprits ; des hommes, des femmes, des enfants, des bébés... Et plus je les fixe tous, plus j'ai l'impression qu'il y a eu un homicide. 

- Je m'appelle Mélody, et pour faire court, j'ai un don qui me permet d'entrer en contact avec les Morts. 

- Tu es venu nous sortir d'ici ? demande la petite fille, qui tient toujours ma main.

- Au départ, j'ignorais même vos existences et que le manoir avait été construit sur une ancienne chapelle, avouai-je. Mais pour vous venir en aide, vous devez me dire ce que vous faites ici et je m'arrangerai pour vous faire sortir.

Elementum {Tome 7} [En réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant