Chapitre 3

1.7K 134 8
                                    

"Dans ce cas, tue moi"
C

ela sonnait plus comme un ordre plutôt qu'une demande. Certes, la mort me faisait peur, il fallait dire qu'elle avait un côté assez effrayant, mais je préférais être morte plutôt que de devenir le monstre que j'avais toujours cru être. J'en avais marre de pleurer, j'en avais marre de tout détruire en possédantun pouvoir bien trop grand.
J'en avais marre tout simplement.

-Quoi? répéta le criminel effaré.

-Tu n'as pas compris ce que je t'ai dit ? Je te laisse le feu vert. Tue moi! Achève moi, je t'en prie, fais quelque chose! lui hurlai-je, les larmes aux coins des yeux.

Après tout, je ne suis qu'un monstre.
Il resta quelques temps abasourdi par mes propos, puis se ressaisit. D'un geste brutal, il me surprit en m'attrapant par les hanches avant de me plaquer contre le mur derrière moi. On pouvait très clairement voir ses yeux assombris par la colère malgré l'obscurité de la nuit et ça, ça faisait vraiment flipper.

-Jamais je ne te tuerais. dit-il en haussant le ton à son tour, donnant un coup contre le mur en béton pour montrer son mécontentement.

-Pourquoi ?! le questionnai-je précipitamment en lâchant en même temps un sanglot à la fois de peur et de désespoir.

Ses traits se radoucirent peu à peu tandis que je me demandai encore pourquoi cet hors-la-loi ne voulait pas commettre un autre meurtre.
Après tout, je n'avais rien de plus que ses autres victimes si ce n'est un don que je maudis.

-C'est pourtant évident. me répondit-il d'une voix étonnament douce.

-Et pourtant, je ne comprends toujours pas.

Je le vis plisser le front, lui même ne me comprenais pas.

-Tu n'as pas encore compris ce qu'il se tramait, en fait.

C'était en effet ce que je venais de lui dire.

-Toi et moi, on est âme-soeur. m'annonce t-il en approchant son visage du mien.

Oui, c'est ce que j'avais cru comprendre lorsqu'il m'avait dit ça la première fois et qu'il était parti en un coup de vent.

Si seulement je pouvais savoir la signification de cette phrase.

- Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans ça ? il commença à perdre patience.

-Ce que je ne comprends pas dans ce que tu viens de dire? À peu près l'intégralité de ta phrase. Et je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne veux pas mettre fin à mon calvaire et encore moins ce que veut dire ce foutu truc que tu dis en parlant de toi et moi.

Il soupira lentement, les yeux clos, enleva petit à petit ses mains d'autour de ma taille. Puis dans un élan de colère, il balança son poing à deux pauvres centimètres de mon visage.
Décidemment, c'était une passion de frapper dans les murs.
La paroi dans mon dos avait dû s'être fêlée en plus d'avoir un énorme trou à présent.

-C'est pas possible d'être aussi stupide ! râla-t-il en jurant.

Moi? Stupide ? C'est lui qui emploie des mots insensés!

-Tu sais au moins l'importance que signifie être âme-soeur?

Faudrait-il d'abord savoir ce que cela voulait dire.

-Je ne comprends pas, non. En fait, je ne sais même pas ce que c'est. Et j'aimerais volontiers que tu m'expliques et ailleurs que plaquée contre un mur.

Il se recula légèrement, me laissant assez de place pour me sortir de cette proximité étouffante.

-Toi et moi, on est liés, destinés à vivre ensemble, côte-à-côte avec un désir brûlant d'amour, de possessivité et de protection. C'est assez suffisant pour éclairer ta lanterne?

Mon dieu, c'est ça des âme-soeur ?
Bruh.

-Y a... un moyen de se débarrasser de ce truc ?

Il me regarda un instant, ahuri. Je ne comprenais pas en quoi mon ignorance était si dérangeante.

-Je suis vraiment tombé sur une imbécile. se marmonna-t-il à lui-même. Que je mette les points sur les I, le lien d'âme-soeur, c'est à vie. Maintenant que ça c'est réglé, on y va.

-On? Comment ça "on"?

-Je viens de te le dire, alors maintenant c'est soit tu me suis, sois je te traine de force jusque chez moi.

Ce qui, dans les deux cas, me ramène à la même situation. Je pris donc l'initiative de le suivre.

-Où allons nous exactement ? lui demandai-je en traînant des pieds, deux petites minutes plus tard.

-Chez moi. Comment tu m'as dis que tu t'appellais déjà ?

-Je ne l'ai pas dis et je m'appelle Luana.

-Luana... Et tu as quel âge, Luana?

-Je t'interdis de prononcer mon nom. Je ne vois pas pourquoi toi tu aurais le droit, et moi pas.

Il rit doucement avant de me répondre.

-Ok, t'as le droit de dire mon nom, mais, insista-t-il sur le mais, seulement qu'on est que tous les deux. J'ai causé du tord à bien beaucoup de gens. Si tout à l'heure, tu aurais énoncé mon prénom à voix haute, plusieurs personnes aurait pu me reconnaître et j'aurais pu passer un sale quart d'heure.

Lui, le criminel le plus recherché des Etats-Unis, passer un sale quart d'heure par des... loosers ? Laissez moi rire.

-C'est encore loin? me plaignis-je en soupirant.

-On est bientôt arriver. Il ne reste plus qu'à traverser la forêt.

La forêt ? Quel forêt ?

-S'il y a des forêts aux alentours, j'imagine aussi qu'il y a des meutes, non?

-Ici? À Seattle? Cela fait 2 ans que je suis ici et jamais je n'ai vu de meute dans les parages.

Au moins quelque chose de rassurant. C'est vrai quoi, après deux ans à rechercher cet homme pour qu'il m'aide, j'apprenais que non seulement il ne peut remédier à mon problème mais aussi que l'on était "liés" et devions faire notre vie ensemble ! Enfin, de ce que j'avais compris.

-Tu ferais mieux de te transformer pour courir.

-Pourquoi ? Les psychopathes aussi errent dans la forêt ? me moquai-je.

-Non, c'est seulement que j'avais envie d'admirer ton p'tit cul de louve, et que l'on y sera plus vite si l'on y va sous forme lupine. Sous forme humaine, cela risque de nous prendre quelques heures.

D'un côté, j'avais envie de me transformer pour arriver plus vite, mais de l'autre, je n'avais pas envie qu'il me matte l'arrière train durant tout le trajet. Le pire, c'était qu'il n'avait pas l'air de plaisanter quand il l'eut dit, au contraire, il avait l'air très sérieux. Bon, je n'allais tout de même pas faire ma difficile et nous faire faire une randonnée de je-ne-sais-combien-de-kilomètres.

À quatres pattes sur le sol, je me concentrai pour déclencher la transformation. Je sentis petit à petit mes griffes sortir, mon pelage d'un caramel parfait recouvrir ma peau et mon nez s'allonger pour faire place à mon adorable museau. Depuis mes quinze ans, la métamorphose se faisait de plus en plus rapide, jusqu'à me transformer entièrement en une vingtaine de secondes. C'était toujours aussi dur à déclencher, mais retourner à l'état sauvage, c'était chouette.
Enfin, lorsque l'on ne devait pas faire une course d'une centaine de kilomètres. 

Oméga de Feu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant