Commissariat central de Lyon Bureau du commandant Vinet 07 août - 09:00

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Le commandant Vinet se tenait debout face à son immense tableau magnétique lorsque son jeune stagiaire entra après avoir frappé à la porte.

— Bonjour Hélène. Est-ce que vous avez passé un bon week-end ?

Exactement comme l'aurait fait un programme informatique, Hélène compara la question aux innombrables formulations d'usage qu'elle avait mémorisées. Deux mots lui apparurent à l'esprit comme sur un écran : lien social. La question n'appelait pas une réponse objective, c'était une simple formule de politesse. Elle répondit par une locution figée qu'il fallait donner en pareil cas.

— Oui. Et vous ?

— Plutôt bon. Samedi, je suis allé me balader près de...

Hélène ne prêta aucune attention à la suite. C'était sans importance. Elle reprit ses réflexions puis questionna son jeune collègue.

— Est-ce que vous pouvez regarder si on a une réponse de l'IML ?

— Bien sûr. Acquiesça Pavier.

Il s'installa devant l'écran situé sur le petit bureau, se connecta au réseau local et examina sa messagerie.

— Tout ce qu'on a, c'est leur accusé de réception. Ils nous ont envoyé la réponse standard : ADN d'ici deux semaines, cause du décès dans deux jours. Il faut dire qu'ils n'ont reçu le corps que vendredi soir.

— Je sais. répondit-elle, laconiquement.

Deux nouvelles dates venaient de s'inscrire toutes seules dans le calendrier perpétuel que renfermait la mémoire d'Hélène Vinet. Mercredi 9 août, cause du décès. Lundi 21 août, ADN de la victime.

— Est-ce qu'on demande la procédure d'urgence ?

— Ça ne sert à rien pour l'instant. À moins qu'elle ait commis une agression sexuelle, ce n'est pas avec son ADN qu'on la trouvera dans nos fichiers.

Identifier la victime était l'une des priorités de l'enquête pour ensuite trouver des liens avec le supposé meurtrier. Vinet passa en revue les moyens qu'elle avait à sa disposition. Aucun papier d'identité n'avait été retrouvé sur la malheureuse, ni même aucun effet personnel. Le corps lui-même ne pouvait les aider dans cette tâche car, comme le laissaient apparaître les premières constatations faites sur place, il avait été aspergé d'essence et brûlé. Le visage était méconnaissable et aucune empreinte n'avait pu être relevée. Vinet examina avec attention les clichés de la victime ainsi que ceux tirés du DVD qui lui avait été remis par le service de sécurité de l'hôtel de la Régence. Les images étaient sombres et de qualité très moyenne. La jeune femme avait tout fait pour qu'on ne puisse pas l'identifier, ce qui laissait Vinet dubitative. Elle songea qu'Abalon la connaissait sans doute, car il semblait l'avoir immédiatement reconnue lorsqu'elle l'avait rejoint dans le petit salon. Elle avait visionné plusieurs fois la séquence où elle s'asseyait face à lui. Ils avaient ensuite parlé pendant quelques minutes avant de se diriger vers l'ascenseur situé près de la salle à manger, ainsi que l'avait supposé le réceptionniste. Les caméras de l'étage ne révélaient rien d'exploitable, car le journaliste masquait constamment l'inconnue. Le seul moment où elle apparaissait était celui où il pénétra dans la chambre. L'espace d'un instant, on pouvait la voir de trois quarts mais, comme si elle savait parfaitement où se trouvait la caméra, elle avait baissé la tête, si bien que sa chevelure cachait entièrement son visage. Les images suivantes ne montraient plus qu'un couloir vide que Vinet fixait du regard tandis que le stagiaire pianotait sur son clavier. Tout s'était joué derrière la porte de cette chambre qu'elle regardait avec l'espoir insensé qu'elle devienne transparente. C'eût été si facile, si elle avait pu voir au travers !

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