Maison d'arrêt de Lyon-Corbas 03 août - 11:00

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À quelques kilomètres de là, le journaliste vedette du Courrier Lyonnais, relisait ses notes avec soulagement et satisfaction. Son emprisonnement était la pierre angulaire de son projet et il l'assumait courageusement, mais à présent, il était bien content que cela se termine. Fabrice Levier, l'avocat du journal, lui avait rendu visite plus tôt dans la matinée et lui avait rapporté la convocation pour le lendemain. L'un avait transmis son optimisme à l'autre ou inversement. Cela n'avait pas d'importance maintenant que tout était sur le point de se terminer.

Avant de prendre congé, l'avocat l'avait regardé, comme pour le contempler. Ce dernier s'était fait homme de loi, pour la bonne cause pensait-il, mais il s'était depuis longtemps rendu compte du caractère biaisé du rôle de l'avocat dans la machinerie judiciaire. Il pouvait certes, défendre le pauvre et l'opprimé au cours de ses plaidoiries, mais il savait que ce n'étaient que des effets de manche. Son travail ne consistait qu'à interpréter les lois à son avantage et à dénigrer ses adversaires. Il en allait autrement de l'homme à qui il serrait la main. Faible et pauvre, la justice n'était pas capable de laver la honte et même l'infamie qui pesait sur elle. Ses prisons la déshonoraient, et avec elle le pays tout entier. Les magistrats, les avocats, les directeurs ou les gardiens de prison en convenaient unanimement, mais n'y pouvaient rien. Les gardes des Sceaux qui s'étaient succédé avaient tous démontré leur impéritie. Tout le monde souhaitait un changement et pas seulement quelques associations injurieusement qualifiées de droit-de-lhommistes mais personne n'agissait ni ne se révoltait.

Abalon, lui, s'était volontairement jeté dans la gueule du monstre. Cet homme avait risqué sa liberté pour une cause à laquelle il tenait. Le journaliste lui procura un frisson de fierté. Levier vivait l'un des plus beaux moments de sa vie et il s'en rendait compte. Les mots ne lui venaient pas. Je suis avec vous. Ce que vous faites est formidable. Tout ce qu'il trouvait à dire lui paraissait d'une affligeante banalité. Alors, son regard se brouilla, sa mâchoire se serra et sa respiration se fit lourde. Abalon n'avait pas besoin de mots. Ils étaient là, face à face et main dans la main. Un même désir, puissant et irrépressible, tressaillait au fond d'eux : celui d'une vraie justice, d'une justice d'Homme.

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