Maison d'arrêt de Lyon-Corbas 18 août - 14:20

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Sitôt après avoir reçu le document transmis par la police judiciaire, Levier en avait imprimé le contenu et l'avait lu sur le champ. Passé un premier moment d'étonnement, il se sentit tout à coup plein d'espoir, car c'était la première pièce du dossier qui n'accusait pas son client. Au contraire, elle pouvait au moins jeter un certain doute sur les lettres anonymes. De plus, il pourrait à présent travailler sur un scénario alternatif et notamment sur une machination. Restait à en trouver le ressort. Vengeance ? Suppression d'un journaliste devenu témoin gênant ? L'avocat n'en savait rien, mais il allait chercher.

Chaque minute qui passait lui paraissait interminable. Il s'agitait sur sa chaise, les yeux rivés sur la porte d'où arriverait Abalon.

— Tristan ! s'exclama-t-il aussitôt qu'il fut entré. Les deux hommes se serrèrent la main chaleureusement.

— Eh bien ! Tu as de si bonnes nouvelles que ça pour vouloir me voir aussi vite ?

— Peut-être bien. Mais je vais avoir besoin de ton aide.

— C'est moi qui ai besoin de la tienne. répondit le journaliste en souriant. Vas-y, je t'écoute.

— Figure-toi que ton ordinateur a été piraté.

— Ah bon ? s'étonna Abalon. Je croyais qu'on avait un pare-feu inviolable et tout le saint-frusquin.

Ce fut au tour de l'avocat de sourire en entendant cette expression vieillie qu'Abalon utilisait parfois par dérision.

— Tu sais, moi et l'informatique...

— On en est tous là, mon vieux.

— Enfin, le rapport que m'a envoyé l'inspectrice indique que l'on pouvait prendre le contrôle de ton ordinateur à distance. Ça veut dire qu'on pouvait fouiller dans ton disque dur et regarder sur quoi tu travaillais. Est-ce que tu enquêtais sur quelque chose de sensible avant de... enfin, tu vois ce que je veux dire.

Le journaliste prit une minute de réflexion, mais rien ne lui vint à l'esprit.

— Tu sais, je ne crois pas que tu doives t'engager sur cette voie. Je n'ai absolument rien entré dans l'ordinateur sur mon travail actuel. Avant ça, j'ai fait un reportage sur les travailleurs saisonniers et un autre sur les groupes agroalimentaires qui se sont approprié les marchés des cantines scolaires.

— Mmm. fit l'avocat déçu. Tu as raison, je ne crois pas qu'on puisse vouloir t'éliminer pour ça. Autrement, je ne vois que la vengeance. Tu n'as pas reçu de lettres de menace, de coups de fil anonymes ?

— Question anonymat, il y a déjà la troisième lettre...

— Tu ne vois pas quelqu'un qui aurait une raison de t'en vouloir ?

— Lise !

— Arrête. Ce n'est pas le moment de déconner. Non, plus sérieusement, quelqu'un à qui tu aurais fait du tort ou dont tu aurais brisé la réputation.

— Tu sais, ça arrive, mais ce sont le plus souvent des boîtes, pas des particuliers.

— Je n'en sais rien moi, une affaire judiciaire, même ancienne. Quelqu'un que tu aurais confondu...

— Je ne couvre pas les affaires judiciaires, mais attends...

Abalon fixa son regard sur la cravate strictement nouée de son avocat et tenta de rapprocher deux souvenirs très éloignés l'un de l'autre.

— Ça va te paraître bizarre, mais maintenant que tu m'y fais penser...

— Vas-y, dis-moi !

De toute évidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant