Maison d'arrêt de Lyon-Corbas 04 août - 19:00

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Bien qu'il eût cent fois réfléchi à la situation depuis que le commandant Vinet lui avait appris l'existence du cadavre de sa prétendue victime, Abalon ne trouvait aucune explication. Il avait échafaudé les hypothèses les plus farfelues et les plus rocambolesques, mais aucune d'entre elles n'était pertinente. Lorsqu'il préparait son plan, il avait effectivement songé à écrire une troisième lettre qui aurait indiqué un vague emplacement pour le cadavre, mais il avait finalement renoncé en estimant que c'était dangereux. De plus, il avait songé que deux lettres seraient suffisantes pour faire de lui un suspect. À moins qu'il eût complètement perdu la mémoire, il ne pouvait en être l'auteur. Est-ce que, par extraordinaire, cette dernière lettre pouvait se rapporter à une affaire sans rapport avec la sienne ? Rien ne lui semblait plus improbable.

Il devait absolument en savoir plus et pour cela, il devait commencer par se procurer la fameuse lettre. L'avocat en obtiendrait bientôt une copie et il serait sans doute facile de prouver qu'elle avait été écrite par quelqu'un d'autre. Il était peu probable que la police de caractère — si toutefois il s'agissait d'une lettre imprimée — soit la même que celle qu'il avait utilisée pour les deux premières et, quand bien même, la police serait probablement en mesure de trouver des différences dans le style ou la construction des phrases. Il pouvait aussi compter sur l'examen du papier et de l'encre utilisée. Autant qu'il pouvait en juger, il était certain que la méticulosité du commandant Vinet la conduirait à vérifier tous ces points.

Abalon songea ensuite au cadavre. Pour l'heure, l'identification était toujours en cours et il était certain que rien ne le reliait à la victime. Enfin, il se rassura en pensant que la police aurait le plus grand mal à trouver un mobile. Pourtant, il se prit à regretter d'avoir demandé à Marilou de se grimer au point d'être méconnaissable. Sa perruque noire masquait ses joues et ses lunettes de soleil achevaient de la transformer en fantôme. C'était parfait pour qu'on ne la retrouve pas, mais à présent il aurait bien aimé que son visage le disculpe complètement.

Le journaliste ne voulut plus penser à tout ça. Il aurait aimé trouver le sommeil sans plus attendre. Il pensa à sa chambre à coucher, à son lit. Il aurait voulu se trouver loin d'ici, rentrer chez lui et retrouver Lise et Clotilde. Elles devaient s'inquiéter mortellement. Il n'avait rien dit à sa femme pour la protéger, mais aussi, il devait bien le reconnaître, pour ne pas compromettre son plan. À présent, elle était seule là-bas, à se demander quel crime avait commis son mari. Le croyait-elle toujours innocent ? Il n'en était pas sûr. Leur couple n'était plus aussi solide que par le passé et ce qu'il avait fait désagrégeait un peu plus leur complicité. Avait-il le droit, pour quelques articles, de mettre en danger l'avenir de leur famille ? Des heures passèrent et Abalon ne trouvait pas le sommeil. Une pensée sombre chassait une idée noire dans un cycle infini. Il attendit jusqu'à quatre heures du matin qu'enfin l'épuisement lui apporte la délivrance.

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