Domicile de Tristan Abalon 15 juillet -20:00

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Clotilde regardait un dessin animé à la télévision tandis que sa mère cuisinait sans envie un repas qu'elle voulait équilibré. Les dialogues humoristiques et surtout le fameux « Bip, bip ! », qui à lui seul dessinait la silhouette du géocoucou narguant perpétuellement le coyote, estompaient sa mélancolie. Cela faisait quelque temps déjà que sa vie ne la satisfaisait plus et chaque jour qui passait lui semblait moins vivable que le précédent. C'était comme si elle voyait son bonheur s'éloigner sans pouvoir le rattraper. Elle avait pourtant vécu de merveilleuses années. Tristan lui avait tout donné, elle le savait. Comment les choses avaient-elles changé à ce point ? Comment avaient-ils pu s'éloigner sans qu'ils s'en rendent compte ? Bip-Bip lui avait fait, pour un moment au moins, oublier ces questions et, avant que l'épisode fût terminé, elle entendit son mari refermer la porte d'entrée.

Pendant le dîner, il lui demanda comment s'était passée sa journée et Lise répondit, presque mot pour mot, ce qu'elle avait dit la veille. Puis il posa la même question à sa petite fille, mais cette fois-ci avec un indescriptible mélange de tristesse et de remords dans le fond de la gorge. Tandis qu'il l'écoutait raconter sa journée d'école de sa douce voix d'enfant, il serra sa main à plusieurs reprises, toujours avec la même gêne. Lorsqu'ils eurent terminé de dîner et que leur fille fut couchée, Tristan versa de la vodka dans deux verres et en tendit un à sa femme avant de la faire asseoir dans le canapé noir à deux places dont la largeur excédait à peine celle de leur gigantesque écran plat.

— Il faut que je te parle, chérie. Lise ne répondit que d'un regard approbateur. Je sais bien que les choses ne sont plus comme nous voudrions qu'elles soient et pour l'instant je ne sais pas ce que nous pouvons faire pour changer cela. Mais bien que cela te préoccupe, il va falloir que tu sois forte pour nous trois. Malgré nos difficultés, nous devrons rester unis, je vais en avoir besoin.

— De quoi parles-tu ? questionna Lise en avalant une copieuse rasade de vodka.

— Eh bien... il est très probable que je me retrouve bientôt en prison et...

— Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Mais qu'est-ce que tu as fait et comment...

— Attends ! Calme-toi ! Je sais que cela va te paraître étrange, mais je ne peux rien te dire. Tu seras bientôt interrogée par la police et tout ce que je pourrais te dire se retournerait contre moi et même contre toi.

— Mais qu'est-ce que tu as fait ? Tu peux bien me dire ça, supplia Lise, les yeux pleins de larmes.

— Il faut que tu me fasses confiance. Il n'y a personne qui me connaît mieux que toi. Tout ce qu'on pourra me reprocher ne devra pas t'égarer. Tu dois avoir confiance en moi. Il faut que tu protèges Clotilde de tout ça.

— Mais enfin... tu ne me dis rien, comment veux-tu que je m'arrange avec ça ?

— Je sais que ce que je te demande est difficile, mais tu dois croire en moi. J'ai besoin de ton aide, de celle de Clotilde. Ne doute pas de moi, souviens-t'en et cela t'aidera.

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