Siège du Courrier Lyonnais Entrée du parking 03 août -11:00

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Lorsqu'elle arriva au portillon électrique du parking, Lise se souvint qu'il fallait disposer d'une carte magnétique pour l'ouvrir. Celle de son mari devait se trouver à sa place, derrière le pare-soleil, du côté conducteur. Faire marche arrière et chercher une place introuvable autour de l'immeuble était au-dessus de ses forces. Elle s'imaginait se rendre à pied à la réception pour en demander une, mais cela impliquait de bloquer le passage pour un bon moment. Lise cherchait une autre idée lorsqu'un klaxon la fit sortir de ses pensées. Une voiture attendait derrière elle. Lise bondit si vite hors de son véhicule que le conducteur fut presque effrayé avant de reconnaître l'épouse de Tristan. On la voyait rarement au journal, mais elle était de ce genre de femme qui ne s'oubliait pas. Ses qualités plastiques n'expliquaient pas à elles seules l'impression qu'elle laissait derrière elle. Que ce soit un rédacteur en chef ou bien une femme de ménage, toutes les personnes qui lui avaient adressé la parole lors de la soirée d'anniversaire du journal en mai dernier s'étaient senties pleinement à l'aise en sa compagnie. Lise savait écouter et considérer ses semblables. Elle voyait en eux des hommes, des femmes, jamais une fonction ou un titre. C'est ce qui avait tout de suite plu à Tristan.

— Excusez-moi, je voulais me... ah, mais nous nous connaissons, non ? Nous nous sommes parlé à la soirée du...

— Madame Abalon... mais oui ! fit Olivier, l'un des employés de la plateforme informatique, un peu inquiet de la confusion apparente de son interlocutrice.

— Je voulais me garer à la place de mon mari, mais j'ai oublié son badge et je ne sais pas comment faire. Est-ce que vous pourriez ouvrir avec le vôtre ?

La détresse visible de cette femme avec qui il avait bavardé trois mois plus tôt plongea l'informaticien dans le désarroi, surtout lorsqu'il songea à son mari dont personne au journal n'ignorait l'emprisonnement.

— Mais oui. Bien sûr madame Abalon. Je vais vous ouvrir, vous n'avez qu'à remonter dans votre voiture.

Deux minutes plus tard et après avoir souhaité une bonne journée à son sauveur, elle se dirigea rapidement vers le bureau de Daumet, saluant d'un bref signe de tête tous ceux qui la croisaient.

— Entrez ! fit le directeur lorsqu'il entendit frapper.

Lise Abalon passa la tête à l'intérieur de la pièce comme si elle n'avait rien entendu et qu'elle voulait s'assurer de la présence de Jean.

— Lise, entre, je t'en prie.

— Je n'entendais rien. J'avais peur que tu ne sois pas dans ton bureau.

— Je t'attendais, depuis ton coup de fil de ce matin. Tu ne travailles pas aujourd'hui ? questionna Jean pour engager la conversation.

— J'ai pris un jour de congé. Ce matin, je suis allée au bureau après avoir déposé Clotilde à l'école, mais je me rends compte que je n'y arrive plus. Je ne peux plus me concentrer sur rien. Je lis à peine quelques lignes et je me mets à broyer du noir, à penser à Tristan, à chercher des réponses qui me font peur. Je n'en peux plus, Jean. Il faut que tu fasses quelque chose.

Lise avait prononcé cette dernière phrase comme une supplique. La crainte et le désarroi firent couler ses larmes.

— Essuie-toi. fit Jean en lui tendant un mouchoir en papier.

Il laissa passer quelques instants de silence avant de reprendre :

— Tu sais, ça ne va plus être long maintenant...

— Tu m'as déjà dit ça la semaine dernière et on en est toujours au même point. larmoya-t-elle. Quatorze jours. Ça fait quatorze jours que Tristan est là-bas et je n'ai pu le voir que deux heures.

— Lise... Lise. fit Jean en prenant ses mains. La demande de remise en liberté a été déposée la semaine dernière sur le bureau du juge. L'inspectrice de police a elle-même dit à ton mari qu'elle ne s'y opposerait pas s'il n'y avait pas rapidement du nouveau. Crois-moi, cette affaire ne repose sur rien de concret.

— Sur rien ! Ils l'ont tout de même jeté en prison. Il n'a rien voulu me dire ou presque. Je ne doute pas de son innocence, mais je sais qu'il me cache quelque chose. Je le connais bien, il ne me dit pas tout. Est-ce que tu es au courant, toi ?

Daumet savait qu'elle reviendrait à la charge et s'était préparé des phrases toutes faites qu'il répéta mécaniquement tant il était embarrassé de ne pas pouvoir la mettre dans la confidence.

— Son dossier est vide. Tout ce que je sais, tu le sais déjà ou presque. Il a été arrêté sur la base de lettres anonymes et sur...

Il s'interrompit brusquement avant de parler de la vidéo de l'hôtel. S'il lui parlait de son rendez-vous avec Marilou, Lise se ferait plus de souci encore. Elle s'imaginerait peut-être qu'il la trompait.

— Oui, tu allais dire...

— Non rien. fit-il après un instant d'hésitation. Il n'y a rien de plus. Mais ne t'inquiète plus, je t'en prie. D'ailleurs, tu allais me faire oublier le plus important. Fabrice vient de m'apprendre que Tristan était convoqué demain à neuf heures dans le bureau du juge des libertés. Fabrice pense que c'est pour lui signifier la fin de sa détention. Sois patiente encore vingt-quatre heures. C'est tout ce que je te demande. Demain, à cette heure-ci, il sera probablement libre.

De toute évidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant