Commissariat central de Lyon Bureau du commandant Vinet 19 juillet - 10:00

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Hélène Vinet se remémora la conversation téléphonique qu'elle avait eue une heure plus tôt avec le journaliste qui se trouvait à présent face à elle. Sans qu'elle fasse un quelconque effort, son esprit en avait conservé chaque mot, mais aussi chaque silence, chaque intonation. Si sa maladie, sans doute génétique — la science demeurait évasive sur ce sujet —, ne l'en empêchait pas, elle se serait décrite comme un magnétophone ou un magnétoscope suivant le cas, qu'il n'y avait qu'à déclencher pour que le passé soit restitué sans les altérations induites par les émotions ou les sentiments.

— Il faut que je vous parle rapidement. Est-ce que vous pouvez passer à mon bureau ?

— Sans problème. Quand ?

— Maintenant si vous pouvez.

— J'arrive.

Le journaliste s'attendait davantage à la visite de deux policiers en uniforme qu'à un appel téléphonique courtois. Lorsqu'il quitta le journal, il fit un détour par le bureau de Jean. « J'y vais », fit-il avec un air malicieux néanmoins démenti par l'inquiétude qui se lisait dans ses yeux. Ils échangèrent silencieusement une poignée de main puis une longue embrassade.

— Merci d'être venu si vite.

— Je suis à la disposition de la police.

— Je le crains pour vous, monsieur Abalon.

— Votre ton me laisse supposer que vous avez reçu une nouvelle lettre anonyme. Et que vous apprend-elle cette fois ? L'identité de la victime ? Le mobile que je...

— Ne prenez pas cela à la légère. coupa Vinet avec empressement. Est-ce que vous vous trouviez à l'hôtel de la Régence le soir du dix-neuf juin ?

Abalon eut un sourire qui exprimait à la fois son contentement et son angoisse de l'inconnu dans lequel il se jetait.

— J'y étais, en effet.

— Je préfère que vous me l'ayez dit vous même. Jusqu'ici au moins, je ne peux vous considérer comme un menteur. Ajouta-t-elle en lui tendant une photo issue d'un enregistrement de surveillance de l'hôtel. Qui est cette femme ? fit-elle en pointant du doigt une silhouette vue de trois quarts.

— Une amie. fit Abalon, un brin provocateur.

— Donnez-moi son nom, s'il vous plaît.

— Permettez-moi de refuser, madame. Elle et moi avons d'excellentes raisons de vouloir conserver autant de discrétion que possible à cette rencontre.

— Bien. Je ne vais pas jouer au chat et à la souris avec vous, monsieur. J'ai de bonnes raisons de penser que c'est cette femme qui a disparu.

— Ah oui ? Et je voudrais bien savoir comment puisque vous ne savez pas qui c'est. Qui vous dit qu'elle n'est pas à son travail, comme je devrais moi-même y être, ou bien qu'elle n'est pas dans sa salle de bain en train de se limer les ongles ?

— Mais vous, monsieur ! Vous ne niez pas que c'est bien vous que l'on voit en sa compagnie sur cette photo. L'hôtel est truffé de caméras qui enregistrent toutes les allées et venues du hall, du salon, des couloirs et des ascenseurs.

— Et peut-être même dans les chambres.

— Ne jouez pas avec moi. Ce n'est pas l'URSS quand même. Mais pour revenir sur le sujet, on vous voit discuter avec cette femme pendant une dizaine de minutes...

— Ça ne fait pas de moi son meurtrier.

— Ne m'interrompez plus, je déteste ça, dit-elle calmement. Je disais donc qu'on vous voit discuter ensemble et qu'ensuite vous avez tous les deux pris l'ascenseur situé à l'entrée du restaurant. De là, vous êtes entrés dans la chambre 123, au premier étage.

De toute évidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant