De toute évidence

Maison d'arrêt de Lyon-Corbas 08 août - 11:30

Abalon jeta un coup d'œil sur sa montre alors qu'il prenait quelques notes sur les menus événements de la matinée. Il avait auparavant inscrit le jour et l'heure dans ce qui lui tenait lieu de journal de bord. Instinctivement, il avait calculé le nombre de jours qu'il avait déjà passés ici. Au début de son incarcération, il avait pensé pouvoir écrire ses articles directement, mais depuis qu'il avait perdu le contrôle de la situation et qu'il savait qu'il resterait plus longtemps qu'il ne l'avait imaginé, c'était comme si son talent l'avait abandonné. Il ne se sentait plus capable d'écrire d'articles dans l'immédiat, aussi se contentait-il de consigner tout ce qui lui arrivait ainsi que tout ce qu'il pouvait voir ou entendre.

Pour l'heure, il notait quelques détails sur le fonctionnement de la bibliothèque qui, à sa grande surprise, offrait en plus des livres et des disques, un accès à des ordinateurs reliés à internet. Il décrivait par le menu les contrôles et les restrictions qui avaient été mis en place lorsqu'on déverrouilla la porte de sa cellule. C'était déjà l'heure du repas.

Abalon rangea ses notes et déjeuna hâtivement et sans faim. Les sardines à l'huile l'écœurèrent et il ne parvint pas à terminer les pommes de terres qui accompagnaient sa viande. Il déposa son plateau par terre et reprit son travail. Il relut ses dernières phrases pour rassembler ses pensées, mais celles-ci le menèrent à ses propres préoccupations. Le cadavre de la victime ainsi que la troisième lettre l'inquiétaient davantage qu'il ne l'admettait. Levier viendrait lui rendre visite à quatorze heures. Le journaliste fondait de nouveaux espoirs sur cette rencontre, car l'avocat avait peut-être de nouvelles informations à ce sujet. Il n'imaginait pas qu'au contraire, il allait le plonger dans l'incrédulité et l'abattement en lui apprenant que cette lettre avait été imprimée à son bureau.